Le don du Dhamma surpasse tous les autres dons

Une attention inappropriée

Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.

 

Dans l’un de ses enseignements (AN.I,3), le Bouddha dit qu’il ne peut rien imaginer qui ne cause aussi directement l’apparition et l’accroissement du désir sensoriel que l’attention inappropriée aux signes de beauté (18).

Cela signifie que l’on prête une attention excessive et peu sage aux perceptions séduisantes, lesquelles prennent alors une place prépondérante dans l’esprit, ce qui engendre le désir d’en jouir et de s’y attacher pour en jouir encore plus tard.

En fait, la réalité est simplement ce qu’elle est, mais nous la divisons de manière subjective en deux catégories : ce qui est plaisant et ce qui ne l’est pas, avec quelques nuances entre les deux.

Comme nous l’avons vu au chapitre précédent dans la façon dont le Bouddha analyse la perception, le ressenti arrive en premier. Ce que nous appelons « séduisant » est en réalité ce qui génère en nous un ressenti agréable, et ce qui ne l’est pas, c’est ce qui génère en nous un ressenti désagréable.

En général, nous préférons ce qui est beau ou attirant – c’est-à-dire ce qui produit en nous le ressenti le plus agréable –, nous le recherchons et nous lui accordons une attention particulière. Pourtant il s’agit là d’une distorsion de la perception. La réalité n’est pas exclusivement belle ou agréable. Certes, la beauté existe mais, aussi désolant que ce soit, beaucoup de choses ne sont pas belles, qu’elles soient franchement laides ou simplement peu attirantes. L’une des ironies de la vie humaine est que, pendant que l’ego se développe, nous apprenons à distinguer ce qui est agréable et attirant pour nous, et ensuite nous nous y attachons de manière obsessionnelle.

L’un des devoirs du « moi » est de nous procurer autant de ressentis agréables que possible. S’il ne nous en offre pas suffisamment ou s’il permet à trop de ressentis désagréables d’apparaître, il manque à son premier devoir et nous souhaitons avoir un « moi » un peu plus efficace.

Bien entendu, au fond il s’agit d’une question existentielle : si je ne retirais pas un minimum de plaisir de la vie, je ne voudrais pas continuer à vivre. Si tout ce que vous voyiez, entendiez, sentiez, goûtiez, touchiez et pensiez était déprimant, voudriez- vous continuer à vivre ?

En ce qui me concerne, j’irais essayer ailleurs, je quitterais ce monde en espérant une meilleure renaissance quelque part. Donc la raison pour laquelle nous sommes attirés par les expériences agréables, nous les désirons et nous nous y attachons, c’est cette vieille habitude du « moi » qui recherche sans cesse des ressentis agréables et du plaisir.

Simplement au niveau visuel, nous recherchons pratiquement tous à ne voir que des choses belles et plaisantes. Nous n’allons pas fouiller du regard pour trouver des excréments de chien, des ordures malodorantes ou des choses laides. Généralement, nous recherchons ce qui est beau ; nous faisons le tour du monde avec le désir de découvrir de beaux paysages et des choses attrayantes.

Telle est la nature du « moi ». Il est important de savoir que notre désir d’obtenir un plaisir sensoriel à travers de belles choses est fondamentalement un désir de ressentis agréables. Y aurait-il un meilleur moyen d’y parvenir ?

(18 ) Le mot pāli subha signifie, littéralement, « beau » mais pour le relier aux autres sens, l’auteur a choisi de le traduire par « attirant ». Ceci permet aussi de traduire son contraire par « non-attirant » plutôt que « laid ».

Source du texte   Dhamma de la forêt