Deuxième jour
Enseignement-méditation
Puja
Il est important le matin de s’établir dans une bonne énergie.
La puja du matin, la cérémonie du matin, est une bonne façon de le faire, apportant la bonne énergie qui représente la stabilité, la régularité, la douceur. La voix détient cette bonne énergie.
Parce que pour chanter, contrairement à la parole, on utilise tout l’intérieur de notre corps pour sortir la voix. Lorsque l’on chante, il est bon d’avoir les épaules relâchées, d’ouvrir la cage thoracique.
Naturellement nous nous sommes établis au niveau du ventre et pour pouvoir chanter, l’air est poussé depuis l’abdomen jusque dans la cage thoracique. Ce qui fait que toute cette partie du torse reste ouverte.
Cela aide en particulier à adoucir une sorte de barrière que nous avons qui se situe entre l’abdomen et la tête, toute la zone au niveau du sternum, des clavicules. Cela permet d’ouvrir la zone à la base de la gorge, de façon à ce que l’air puisse être poussé, puisse passer. En même temps, cela permet de soulager une sorte d’agitation émotionnelle qui peut se trouver là.
En fait, toute cette zone est en lien avec des résistances, des choses que nous ne pouvons pas expliciter, et il est donc important de pouvoir la dénouer.
C’est un moyen habile, en quelque sorte, que nous utilisons pour à la fois établir la stabilité et être dans un geste d’offrande ; d’offrande de quelque chose de sacré. C’est une compréhension qui est souvent perdue. Il est bon de pouvoir faire en sorte que le corps soit dans cette stabilité, cette capacité d’ouverture. Lorsque l’on chante, on se donne cette possibilité. On relâche aussi toutes les tensions.
Qui plus est, il y a l’aspect musical. Ce n’est pas juste une idée, il y a aussi la mélodie, la musique qui s’exprime. C’est une musique d’éveil, de clarté et de vérité. C’est stable, recueilli, c’est doux et dans l’ouverture.
Quand vous chantez, vous amenez toute l’énergie dans la gorge et puis ensuite dans la tête, donc au niveau intérieur de la structure, la structure intérieure de la tête. Il y a des plaques de résonance qui vont vibrer, en quelque sorte, réagir sous l’effet du son. C’est à peine perceptible, mais peut-être est-ce que vous pouvez sentir cette résonance qui se manifeste au niveau du front et jusqu’aux tempes.
Cela permet de procurer une forme de massage à tout le corps en dénouant la zone de la gorge, en laissant résonner la zone du front et des tempes. Il y a vraiment une énergie qui est présente avec cela.
Et c’est particulièrement utile parce que très souvent lorsque nous faisons un effort, toute la zone de la tête se serre, se tend. La tension se crée très souvent dans la zone du front et de la sphère des yeux, tout autour des yeux. Également dans la gorge et toute cette zone du corps devient plus tendue. Ce type de tension et d’effort produit ne fait que restreindre l’énergie.
Il est étrange que plus vous allez fournir d’effort dans ce sens, et moins vous allez avoir d’énergie. Comment trouve-t-on cette énergie ? En fait nous l’avons déjà ; ce dont il est question, c’est de permettre à tous les obstacles qui se trouvent là de se dissoudre, de façon à ce que l’énergie puisse circuler.
C’est ce que nous faisons aussi dans l’exploration du corps par le chant et la respiration, qui permettent de dissoudre ces obstacles. En même temps, ceci permet de diriger notre énergie vers l’investigation qui est en cours dans l’instant présent.
Ainsi au lieu de laisser l’énergie s’échapper dans des pensées, dans toutes sortes de spéculations, de préoccupations inutiles, nous permettons qu’elle vienne se centrer, se poser dans le corps.
Ça devient une méditation, on s’applique en premier lieu à venir s’établir intérieurement dans le corps, à sentir tous les obstacles qui peuvent s’y trouver et à pouvoir les relâcher.
Nous commençons par la base et remontons ainsi dans tout le corps.
C’est pourquoi il est important d’établir cette base au niveau du sol, de l’enracinement et donc de la connexion avec la base. Car il est impossible que le corps puisse se poser, s’établir, s’il n’a pas cette base solide. Nous devons nous établir au niveau de cette base, sentir les points d’appui des fessiers, le bassin qui est posé et les hanches posées aussi sur le sol.
Voyons comment nous pouvons avoir une expérience plus complète, celle de sentir s’il y a des restrictions dans toute cette zone du bassin, s’il y a des muscles qui sont tendus et qui peuvent être relâchés. On commence avec la base de tout son corps, les cuisses, qui sont posées de façon stable sur le sol qui s’ouvre en dessous de vous.
C’est la fonction de tous les tissus tendres de notre corps, qui peuvent s’ouvrir. Ils ont tendance à se fermer, mais ils ont aussi la capacité de s’ouvrir. Nous donnons un signal, un encouragement à faire de la sorte, à s’ouvrir au sol qui se situe au-dessous de nous, de sentir si nous sommes confortables avec cela. Nous commençons peut-être à sentir l’énergie dans toute cette zone, la zone depuis le sacrum et dans le bassin, à sentir une forme de chaleur, ce qui signifie que l’énergie se manifeste.
Nous commençons à tirer une ligne depuis la base du corps, qui longe la face interne de la colonne vertébrale.
Qu’est- ce qui nous donne le ressenti d’être redressés ? Nous savons que nous ne sommes pas allongés, donc comment est-ce que nous savons que nous sommes redressés ? Nous le savons très clairement, c’est l’énergie que nous pouvons sentir tandis que nous sommes assis, posés sur notre base. Une énergie plus brillante, plus vive que lorsque nous sommes allongés
En prenant le temps de sentir cette énergie qui est propre au fait d’être redressés, de déplacer votre conscience vers la partie inférieure de votre bassin où vous pouvez sentir la présence de l’énergie par des mouvements vibratoires, pulsations ou autres. Puis en remontant au niveau du sacrum, en sentant les muscles qui sont présents dans la partie inférieure de l’abdomen.
C’est là où se trouve votre force, votre force fondamentale, votre connexion avec la terre. Lorsque vous vous sentez agités ou dans la confusion, ou perdus, vous pouvez revenir dans cette zone, car c’est votre lieu de naissance votre lieu de connexion. C’est la zone où l’énergie du souffle commence.
Ainsi, vous prenez une longue inspiration en montant jusqu’où vous pouvez monter et puis une longue expiration en descendant le plus bas possible dans l’abdomen. Ainsi nous pouvons effectuer l’expiration jusqu’où elle peut aller, en laissant naturellement l’inspir se manifester de lui-même jusque dans les zones intérieures du corps.
C’est une expérience, un ressenti assez fluide, qui peut se manifester dans la partie inférieure de l’abdomen où on peut sentir le gonflement et le relâchement. Vous sentez ce gonflement et vous le suivez un peu comme une marée.
L’effet du gonflement en suivant cette marée fait que l’on peut sentir le mouvement naturel qui s’élève vers le haut dans le corps. Et là nous ne parlons pas de l’air mais de l’énergie qui est en lien avec la respiration, donc ce n’est pas l’air physique du souffle. Vous sentez si vous pouvez ainsi vous ouvrir de l’intérieur si cette énergie vous permet d’ouvrir toute la partie inférieure du corps.
Tandis qu’elle s’élève dans le corps nous permettons à la région du diaphragme de se détendre. Puis nous arrivons au thorax, toute la cavité de la cage thoracique. Vous pouvez ressentir le thorax, la poitrine comme étant une sorte de panier, le panier constitué par les cotes, vous pouvez sentir toute son expansion dans toutes les directions, vers l’avant, sur les côtés et en même temps vers le haut.
En laissant les fibres qui constituent ce panier s’ouvrir, vérifiez que vos bras ne sont pas en train de se resserrer, de se tendre. Vous pouvez ressentir cet élargissement en même temps que quelque chose qui s’élève. C’est automatique, nous n’avons pas à le créer, nous pouvons nous ouvrir à cette énergie du souffle depuis sa base et sentir les mouvements qui se font tout à fait naturellement.
Ensuite nous arrivons au niveau du thorax derrière le cœur, nous longeons toujours la colonne vertébrale jusqu’à la zone située derrière la gorge sur la face antérieure du cou. Au cours de notre investigation, nous effectuons aussi des corrections face à la tendance qu’a le corps à se fermer. Il se ferme d’abord en se rétrécissant dans sa largeur et aussi en se recourbant dans sa hauteur, en s’affaissant. Ce type de fermeture est souvent associé au fait de produire un effort. Lorsque l’on est ainsi déterminé, tout se resserre. Là, il s’agit d’un autre type d’effort. Il ne s’agit pas d’un effort dominant où l’on essaye de faire en sorte que quelque chose se passe, mais c’est l’effort de s’ouvrir.
Donc au niveau de la colonne vertébrale, soyez conscients de la zone qui se trouve entre les deux omoplates et derrière le cœur, cette zone qui a tendance à s’affaisser vers l’avant depuis le milieu du dos, automatiquement. Et dans ce repli, eh bien, les omoplates aussi se resserrent et ont tendance à comprimer la poitrine. C’est ce qu’on appelle la position de la tortue avec sa carapace.
Petit à petit, la tête aussi va s’enfoncer comme une tortue. C’est ce qui se passe si nous n’avons pas établi suffisamment de stabilité, de fermeté au niveau de la base du corps.
Nous nous contractons pour trouver cette fermeté. A chaque fois qu’on a besoin de cette fermeté, ou lorsque l’on produit un effort, quand on est dans ce type d’attitude mentale, on a tendance à se resserrer, à s’effondrer. C’est ce qui se passe dans notre vie ordinaire, où notre corps réagit de la sorte ; il le fait automatiquement et il prend l’habitude de le faire. Ce qui se passe c’est que cela restreint toute l’intériorité de votre corps.
Il nous faut travailler contre cette tendance, ce conditionnement particulier. Ça commence par le fait d’établir une fermeté correcte, et cette fermeté se trouve justement dans la base du corps. Ce n’est pas une tension, ou quelque chose qui est contraint, tendu, c’est plutôt une forme de puissance, de force.
Quand nous sentons cela, cette force intérieure, le reste du corps n’a pas besoin de se tendre. Donc vous travaillez contre la tendance des épaules à s’effondrer, à tomber vers l’avant, vous les ouvrez et laisser le souffle vous traverser, l’énergie vous traverser. Vous ressentez un complet accomplissement de cela. Vous pouvez sentir comme une marée qui s’élève et qui remonte jusque à l’intérieur de la tête, à l’intérieur de la boîte crânienne, derrière les yeux. Vous pouvez suivre ce mouvement de vague.
La zone où nous pouvons nous raffermir et renforcer notre énergie est au moment de la fin de l’expir : lorsque nous avons fini d’expirer, nous pouvons allonger la pause qui se trouve avant de reprendre l’inspiration. Et donc de ralentir, de graduellement ralentir et la laisser se renforcer.
Nous allons nous lever pendant un temps et effectuer une pratique debout.
Il y a maintenant le sentiment de sentir véritablement le sol, de sentir la base, le centrage ; le corps ne peut pas se stabiliser tant qu’il ne se sera pas ainsi enraciné, ancré. Très souvent, le fondement pour la plupart des gens se situe au niveau supérieur, dans la cage thoracique, là où nous sentons que nous sommes énergisés. Il y a une présence qui est palpable.
Nous allons essayer de descendre au niveau de la région abdominale.
Cela permet de commencer à activer des muscles qui ne sont pas suffisamment activés, et au contraire de permettre aux muscles qui ont été trop activés de se détendre.
Nous descendons au niveau des pieds et des jambes. En renforçant les chevilles et les mollets, non pas en les tendant mais en relâchant les articulations des genoux et en même temps le ventre, la région abdominale. En faisant de la sorte, petit à petit la partie des jambes, les mollets et les chevilles vont prendre la responsabilité de nous soutenir. Cette qualité de renforcement ne s’effectue pas par un resserrement, plutôt par le fait de cette prise de puissance.
Ce qui veut dire que nous allons ressentir quelque chose plutôt de l’ordre d’une fluidité que d’une rigidité. Nous pouvons sentir la douceur de la base de nos pieds, des plantes de pieds qui peuvent s’étaler complètement sur le sol. Nous fléchissons délibérément les genoux de façon à sentir la douceur, la fluidité des jambes, ainsi la force vient-elle de cette douceur et non pas de la dureté. C’est un signal important, parce-que dès que l’on invite à se mettre debout, il y a cette tendance immédiatement à se redresser tout droit. Ceci fait que les épaules se soulèvent et se resserrent, alors que la bonne position serait comme de se préparer à sauter ou à rebondir et donc à rassembler toute son énergie fluide, plutôt que d’avoir une énergie tendue.
Entre les parties dures externes de vos cuisses, de vos jambes et les parties tendres internes de vos cuisses, essayez d’ouvrir plutôt la partie interne, de faire en sorte qu’elle s’ouvre un peu comme si vous étiez assis sur une selle, ou autour de quelque chose qui permette à toute la zone de s’ouvrir. Ainsi la partie supérieure du corps peut se poser sur ce berceau qui a été établi au niveau de la base du corps, du bassin, où toute l’énergie fluide peut être rassemblée. La partie supérieure du corps se dépose ainsi dans ce berceau.
Tout d’abord, nous nous portons au niveau des épaules. On peut libérer aussi la partie supérieure de la poitrine et effectuer un petit mouvement pour libérer toute cette zone et faire en sorte qu’elle ne soit plus sous une forme défensive. Les bras se libèrent, se délient, se relâchent, ainsi que les mains. C’est un signal que nous donnons à la partie supérieure du corps de se détendre.
La deuxième zone qu’il est bon d’atteindre délibérément, c’est toute la zone autour du cou, les muscles du cou qui soutiennent la tête. C’est une zone qui est en lien avec la détermination, avec la résistance, avec le fait d’agir en force, de pousser les choses, qui peut donc produire ces tensions dans cette zone. Ce qui va réduire notre énergie, notre force, au lieu de la produire. Nous nous établissons à la base de la boîte crânienne, là où se trouve la racine de la langue, sur la base de la bouche, nous nous y établissons en partant de la gorge, en remontant, plutôt qu’en descendant à partir de la tête.
Nous essayons de dénouer toute cette zone. Nous pouvons aussi sentir toute la zone des tempes, sentir que toute cette zone peut s’adoucir et s’ouvrir également. Il est probablement préférable de garder les yeux ouverts, pour éviter toute forme de vertige. Les choses commencent à se rassembler, nous pouvons commencer à sentir notre force qui se rassemble dans la partie inférieure de l’abdomen, là où se trouve la source du souffle de la respiration.
Et puis vous arrivez à la surface de votre corps et vous sentez les différentes zones, les zones dures et les zones tendres, molles. Les zones dures consistent en la face externe des mains, des bras, également tout le long des jambes, la face extérieure des jambes et le dos. Les faces internes, les parties tendres sont les paumes des mains, les faces internes des bras et la partie antérieure de notre torse. Qu’est-ce que vous sentez là ? Ce peut-être des picotements, des fourmillements, ce peut-être de la chaleur, de l’énergie qui circule sous votre peau. A partir du ressenti de la peau, nous pouvons percevoir l’espace autour de nous, qui est libre, qui est un espace ouvert, sans notion d’intrusion, il n’y a pas besoin de se défendre.
Laissons le corps se poser, s’étaler à partir de sa base, de son centrage, et de tout l’espace présent autour de nous.
Progressivement, ceci nous permet de faire l’expérience d’avoir un centre, un centre calme et établi.
Nous prenons à nouveau la posture assise en laissant les choses s’établir.
Prenons quelques instants à la fin de la session avec le sentiment d’être vraiment établis à l’intérieur de nous-mêmes, tandis que nous ouvrons doucement les yeux. Peut-être sentir la tendance à aller vers l’extérieur, à s’y projeter, revenir et simplement sentir très doucement, progressivement, le monde autour de nous. De façon à rester en contact avec une certaine fluidité présente à l’intérieur de nous. C’est un ressenti, il ne s’agit pas d’une zone spécifique du corps mais d’un ressenti corporel qui consiste à éprouver que vous avez cette intériorité.
Sans pour autant que ce soit en lien avec quelque chose de fantastique ou avec une zone problématique, sentez cette intériorité tandis que vous vous déplacez à l’extérieur, restez en contact avec ça. Essayez d’éviter le plus possible de vous propulser à partir des yeux ou des pensées, de vous projeter à l’extérieur.
Chant.
Qi Gong.
Ce matin, j’ai pensé qu’on pourrait commencer la session par quelques exercices qui peuvent nous permettre d’entrer dans une qualité d’éveil tonique.
On va se lever, s’étaler dans tout l’ensemble de la pièce, de façon à ce que chacun ait suffisamment d’espace autour de lui.
En se souvenant que la tonalité principale d’un corps en bonne santé c’est la fluidité, une force fluide. Si l’on sent se créer une forme ou une autre de rigidité, on y amène de la fluidité. La rigidité est cause d’un déséquilibre à l’intérieur du corps, car certaines zones sont très tendues. Pour pouvoir relâcher ces zones, cette tension, il faut s’investir dans les autres parties du corps.
Méditation
Nous allons maintenant retrouver la position assise.
Tandis que vous prenez cette position, vous pouvez vous poser la question : « Qu’est-ce qui est là ? », entrer en contact avec la substance particulière à l’intérieur de votre corps, que ce soit une sorte de chaleur et de détente, ou une forme de tremblement, d’incertitude, toute sorte de resserrement qui peut être présente.
Le principe de ce relâchement est d’arriver à une certaine fluidité. La plupart du temps, nous sentons plutôt des zones solides et des zones vides. Là il faut essayer d’amener une fluidité générale ; même si ce n’est pas forcément plaisant, c’est un ressenti qui serait plutôt de l’ordre d’une gelée fluide à l’intérieur du corps.
Au sein de cette fluidité, vous pourrez déceler un mouvement qui est comme un mouvement de vague, de marée continue, qui est le mouvement du souffle lors de l’inspiration et de l’expiration. Au sein de ces sensations, vous entrez en contact avec ce mouvement.
Un point pour votre position de méditation assise : la tête a tendance à s’échapper, à quitter le corps lorsque l’on est dans l’assise, du fait que d’une manière générale l’esprit est activé sans cesse par des stimuli extérieurs ; lorsque l’on arrête cela, eh bien il erre à la recherche de quelque chose.
Donc il faut reconnaître que la tête est connectée au reste du corps en rentrant en contact avec un sens sain de vitalité. Pour cela, imaginez que vous avez une balle molle juste sous votre menton, et tandis que vous expirez, vous rentrez votre menton légèrement comme si vous appuyiez sur cette balle molle à peu près de deux cm, sans bouger le cou, qui reste droit. En faisant cela, vous pouvez sentir une légère tension ou quelque chose qui se resserre à l’arrière de votre cou, de votre nuque. Sur l’expiration, vous pressez cette balle légèrement, vous n’avez pas besoin de forcer, simplement une douce pression. Et puis vous observez le fait que lorsque vous effectuez ce mouvement qui écrase légèrement la balle, vous pouvez sentir l’étirement dans la nuque, et que cela se prolonge tout le long de la colonne vertébrale.
Donc vous relâchez les épaules, rentrons le menton en effectuant cette légère pression pour sentir l’étirement au niveau de la nuque et voir jusqu’où vous pouvez le sentir en descendant le long la colonne vertébrale. Lors de l’inspiration, vous relevez la tête en la laissant flotter.
Imaginez ainsi que vous ayez deux cordes attachées à la base de votre boîte crânienne qui descendent tout le long de la colonne vertébrale jusqu’au niveau du sacrum. En faisant ce mouvement, vous provoquez un léger étirement.
Lors de l’expiration, votre souffle et votre énergie descendent jusqu’au niveau du bas- ventre, vous pouvez la sentir descendre. Jusqu’au moment où en général votre tête commence à se détacher du corps et à s’échapper. C’est pourquoi il est important d’avoir ces deux cordes et de les connecter à la fin de l’expir pour renforcer la zone du bas-ventre.
Lors de l’inspir, vous relâchez et l’énergie peut remonter et la tête, flotter, cela par les deux mêmes canaux qui relient la tête à la base du sacrum. C’est une énergie douce qui flotte.
Nous allons prendre un temps maintenant pour la marche méditative.
Considérez tout d’abord cette marche comme étant une exploration des mouvements présents dans l’ensemble de votre corps. La question n’est pas de se rendre quelque part mais de sentir ces mouvements, de s’ajuster au fait que j’ai mentionné : le corps entre en sympathie avec tous les mouvements qui se produisent.
Je me mets debout, je fléchis légèrement les genoux et tout mon corps est conscient de ce léger flottement, de ce mouvement doux.
Il n’y a pas juste les jambes qui avancent avec le corps qui est posé dessus ; si vous faites cela, la tête s’échappe, vous allez avoir la tête quelque part le corps ici et les jambes ailleurs.
C’est ce que vous voyez la plupart du temps dans les villes, toutes ces têtes qui se dirigent dans différentes directions, et les corps brisés dans tous les sens. Lorsque vous marchez, vous sentez la fluidité présente dans les épaules, également dans tout le corps qui est fluide, pas enfermé dans une boîte.
Les épaules n’ont rien à faire et pourtant elles entrent en sympathie avec tout le mouvement qui s’imprime dans le corps, de même que les mains peuvent entrer en sympathie avec le mouvement des jambes.
Le mouvement de la marche ne commence pas au niveau des cuisses, il commence au niveau du dos, du bas du dos au niveau des hanches. Tandis que nous déplaçons le poids du corps d’un côté, tout ce côté qui soutient le corps se renforce, tandis que l’autre côté s’allège.
Puis on fait un mouvement tournant pour avancer et tout le corps peut sentir ce mouvement. C’est comme le fait de nager : lorsque vous nagez, tout doit être en mouvement. Donc tandis que vous allez marcher, tout entre en sympathie dans cette fluidité. Comme nous avons tendance à nous échapper particulièrement par le regard, nous allons garder le regard baissé sans se focaliser sur un point précis, de façon à ce que l’énergie ne s’échappe pas par les yeux.
Lorsque vous faites cette marche méditative, très vite vous allez ressentir de l’ennui car il ne se passe pas grand-chose. Donc vous vous dites qu’il faudrait qu’il y ait quelque chose qui se passe, et là vous allez ressentir un resserrement au niveau de l’arrière de votre tête. Puis les épaules vont se refermer, se recourber. Lorsque vous entrez en contact avec l’ennui, que vous en avez un peu assez, eh bien la meilleure des choses à faire est de se poser, de sentir les pieds à nouveau ancrés dans le sol, de sentir le corps, et de laisser revenir sa vitalité propre. Car l’ennui n’est rien d’autre que la réponse à un manque de vitalité. Et en général, nous trouvons notre vitalité dans les choses que nous voyons, entendons, pensons ; lorsque tout cela est éteint : « Où vais-je la trouver », c’est l’effondrement !
Là, nous allons essayer de trouver notre vitalité de l’intérieur. Ça demande à rentrer dans quelque chose de fluide, de détendu, en particulier au niveau de la tête, s’il devient trop difficile de retrouver son centrage et son ancrage.
Là est le sol, je peux le sentir ; et puis il y a l’axe central qui traverse tout le corps. Se souvenir que lorsque le corps est en mouvement, il se déplace autour de cet axe central. Et en général la connexion avec ce centre est plaisante, une sensation chaleureuse, joyeuse. L’espace peut être perçu à travers votre peau, vous pouvez sentir l’espace qui vous entoure, dans lequel vous vous déplacez librement.
On va pratiquer ainsi pendant quarante-cinq minutes ; vous allez trouver un endroit où vous pourrez avancer sur une ligne d’une vingtaine de pas, une ligne droite, et lorsque vous arrivez au bout, vous vous posez un temps à nouveau, trouvez votre enracinement, votre ancrage et puis repartez dans l’autre sens.
Pendant ce processus, bien sûr, si vous rencontrez une difficulté à un moment ou à un autre vous pouvez vous poser à tout moment pour vous recentrer et repartir à nouveau.
Allons-y !
Repas
Nous nous préparons pour le repas. Cela commence par les offrandes, et il est donné l’opportunité d’offrir la nourriture aux moines et aux nonnes. Cela fait partie de notre style de vie, le fait que nous vivons de ce que les personnes nous offrent. C’est un geste mutuel, car cela permet aux personnes d’avoir ce geste qui vient du cœur.
Lorsque ce sera le moment, on sonnera la cloche et lorsque vous l’entendrez, vous pourrez vous rassembler dans le réfectoire. Il y aura une personne qui offrira la nourriture tandis que nous trois passerons devant les plats qui seront présentés.
Nous avons nos bols d’aumône, dans lesquels la nourriture sera posée par quelqu’un tandis que nous passerons. Il faut sentir aussi lorsque vous mettez la nourriture dans le bol, si la personne fait un geste, si vous sentez que c’est assez ou qu’elle veut plus : il faut sentir quel est son besoin.
Ensuite nous chanterons un chant de bénédiction pour célébrer la réciprocité, la mutualité présente dans ce rituel.
Chacun pourra se restaurer puis ranger les plats et aller se reposer. Nous nous retrouverons ici à deux heures.
Enseignement
Nous entrons en contact de plus en plus avec la dimension du corps intérieur, ce qui fait que tout devient de plus en plus stable et posé. On peut à partir de là commencer à entrer en contact avec l’intériorité de l’esprit.
Tout comme on peut dire qu’il y a différents aspects à la mer, qu’elle peut être traversée de courants froids ou de zones pleines de bulles ou encore agitée avec beaucoup de vagues, de la même façon, l’esprit présente de nombreuses qualités différentes.
On reconnait aussi que la mer détient ces qualités du fait de propriétés spécifiques, comme par exemple les marées. Et ainsi l’eau s’écoule, c’est sa nature. C’est du fait de sa nature propre qu’elle peut prendre différents aspects.
Toutes nos émotions et nos expériences, émotionnelles ou psychologiques, dépendent de trois caractéristiques spécifiques de l’esprit.
L’une d’elle est cetana, qui peut être traduit comme une impulsion ou une intention, une volonté. Ce qui signifie qu’il y a une direction vers quelque chose, un but ou un objectif, ou qui va à l’encontre de quelque chose, mais cela a un objectif. La plupart du temps, l’objectif est d’aller en direction de ce qui procure une expérience agréable. La direction peut-être aussi vers quelque chose qui nous met en sécurité, qui est stable. Tout cela se passe automatiquement.
Une autre qualité de l’esprit est manasikara, qui est l’attention ou la capacité à se focaliser. Nous avons toutes les portes sensorielles qui sont ouvertes et procurent toutes sortes d’expériences. Nous pouvons, par le toucher, faire l’expérience du froid ou du chaud, faire l’expérience de quelque chose que nous voyons, de pensées que nous avons et ainsi à travers tous les sens.
Mais nous ne pouvons pas faire l’expérience de tout cela à la fois en même temps. C’est la spécificité de l’attention de se focaliser sur un point, en mettant de côté tout le reste. En général l’attention se dirige là où l’intention l’amène. Donc si l’intention est de trouver un endroit en sécurité, un endroit stable, l’attention cherche ce qui correspond à cela.
La troisième qualité est le contact ou phassa. C’est la capacité de l’esprit à traduire quelque chose que nous connaissons ou dont nous nous souvenons, ou auquel nous donnons de la valeur.
Ainsi vous prenez une tasse où il y a du liquide, vous goûtez et en disant : « Ah oui, c’est du jus de pamplemousse, ou du jus de raisin. » Même si ça n’est pas écrit sur la chose lorsque vous la regardez, même s’il n’est pas dit : c’est du jus de raisin.
De même si vous prenez quelque chose qui ressemble à du jus de raisin, qui en ait la couleur, mais qui est du thé, il y a ce moment où vous avez le sentiment que quelque chose est mal ajusté. Ou alors vous prenez une belle glace mais qui a le goût du camembert. Ouah, c’est mauvais, vous le jetez, parce que ce n’est pas ajusté avec votre attente.
Donc le contact est la façon dont l’esprit va traduire quelque chose par rapport à nos attentes. Si ça ne correspond pas, on se dit qu’il y a quelque chose qui ne va pas, qui n’est pas juste. On commence à se sentir en insécurité ou instable.
Ce sont les trois propriétés. C’est pourquoi lorsque nous sommes face à quelque chose de nouveau, eh bien il y a un instant où l’on se demande : est- ce que cela ressemble à ça ? Est- ce que c’est de cela qu’il s’agit ? En même temps, on essaie de sentir si c’est quelque chose de l’ordre de l’agréable ou pas.
C’est, bien sûr, à plus forte raison, la façon dont nous fonctionnons avec les autres, immédiatement nous allons estimer si il-elle semble amical-e ou inamical-e vis à vis de nous. Souvent il peut y avoir une sorte de dissonance car les choses ne sont pas comme elles devraient être.
Lorsque nous méditons, nous travaillons avec ces trois courants pour essayer de les transformer et être libre de leurs limites.
Il y a une tendance, une inclination naturelle à aller vers ce qui est agréable. Mais très vite, on se rend compte qu’il y a peut- être une dimension agréable beaucoup plus profonde que cette dimension de surface, qui est en lien avec le calme, avec la clarté.
C’est une sorte d’éducation tout au long de notre vie, car l’on peut ainsi être en contact avec des choses qui nous procurent du plaisir tout d’abord, mais qui à long terme font que nous avons une « gueule de bois » ou toutes sortes d’autres problèmes.
Vous réalisez que vous pouvez vous entraîner, vous éduquer, en continuant de répéter cette question : « De quoi s’agit-il, que se passe-t-il, là ? ». Petit à petit, nous allons ainsi éduquer notre intention. Alors que manasikara, l’attention, est quelque chose qui ordinairement est plus rapide et superficiel. C’est de l’ordre du plaisir immédiat, elle recherche quelque chose qui peut s’appréhender immédiatement.
En particulier avec la télévision ou des choses de cet ordre, ça ne demande pas beaucoup d’attention parce qu’en fait, la télévision le fait pour vous. Cela dure deux ou trois secondes, puis la prochaine image revient, puis encore la prochaine image, puis la prochaine. Votre attention devient très passive, pour ainsi dire. Lorsqu’elle est passive, ainsi, on est très facilement influençable. La sagesse n’est pas là, il n’y a pas de discernement, de capacité de jugement, on est juste là à prendre, à recevoir.
Par la pratique de l’entraînement de l’esprit, nous travaillons à renforcer l’attention, et donc non seulement à renforcer l’attention mais à la maintenir aussi, et surtout à la maintenir dans cette dimension d’intériorité. Le fait de pouvoir de plus en plus la maintenir au niveau intérieur fait qu’elle peut s’établir beaucoup plus profondément. Parce que l’intérieur est profondément changeant et donc est conditionné par les dimensions de l’attention, de l’intention et du contact.
Si votre intention est éduquée à agir sur la base de la bienveillance, de l’entraînement de la sagesse, vous commencez à voir différentes choses. Parce qu’à ce moment-là votre attention se pose sur des choses qui viennent en résonance avec cette qualité.
Alors que si votre esprit est entraîné à être corrompu par la malveillance et la mauvaise volonté, votre attention voit systématiquement des choses désagréables, déplaisantes. De même, si vous êtes de mauvaise humeur ou grognon, vous allez systématiquement voir des choses qui ne vont pas : « Ça devrait être comme ci ou comme ça, celui-là ça ne va pas, il n’a pas fait ça… »
En maintenant l’intention de bonne volonté, on peut s’établir plus profondément et reconnaître des qualités beaucoup plus subtiles comme celle de la douceur, de la bonté, de l’amour, de la bienveillance. Se souvenir que notre intériorité est très fluide et qu’elle peut changer soudainement de quelque chose de désagréable à quelque chose au contraire de chaleureux, de l’ordre de la compassion.
La façon dont nous allons traduire nos expériences est quelque chose que l’on peut entraîner de façon que ça se produise moins sur la base d’une impulsivité. C’est parce que l’intérieur est très fluide, que lorsque vous êtes en contact avec quelque chose qui vous déplaît à l’intérieur de vous, vous commencez à vous dire, oui ça ne devrait pas être comme ça, ça devrait être comme ci.
Par exemple en se disant, ’je ne devrais pas me sentir dans la torpeur,’ je ne devrais pas être agité’, toujours ce « je ne devrais pas ». Mais en même temps, c’est ce que vous êtes en train de sentir. Donc au lieu de réagir sur un mode impulsif, vous allez commencer plutôt à observer ce qui est en train de se passer. Si vous vous sentez dans la torpeur, un peu en train de vous endormir, vous pouvez sentir comment cela se passe dans mon corps. Est-ce que c’est une sorte de lourdeur, une sensation au niveau de la tête, ou est-ce au niveau de la cage thoracique ? Procéder à cette observation va vous procurer plus de sagesse, plutôt que de réagir.
Ainsi les trois caractéristiques, cetana, manasikara et phassa que j’ai nommées avant sont regroupées sous la catégorie qu’on appelle les sankhara. Ceci signifie ce qui donne forme, ce qui prend forme.
Il faut se souvenir que tous les sankhara sont très fluides, soumis au changement. Si vous sentez que vous êtes dans une intention de malveillance ou coincé dans une forme ou une autre de ressentiment, il est bon de se souvenir que tout cela est très changeant, qu’il n’y a aucune raison d’y rester coincé. Cela se coince parce que les trois aspects de l’intention, de l’attention et du contact travaillent ensemble et figent les choses.
Vous pouvez par exemple avoir un ressenti désagréable par rapport à quelque chose qu’une personne vous a fait il y a trois ans. Régulièrement, le souvenir remonte et en vous disant, il n’est pas bien, il n’aurait pas dû me dire cela. Ça peut aussi être quelque chose qui vous concerne, qui n’aurait pas dû être ou que vous n’auriez pas dû faire.
Mais là, dans l’instant présent, maintenant, cette personne, qu’il s’agisse de vous-même ou d’un autre, eh bien cette personne, c’est une création. Elle n’est pas là, suspendue, en train d’attendre dans la pièce, de vous attendre. Elle n’est pas montée dans un train pour rapidement arriver ici. Comment se fait-il que vous puissiez avoir tous ces gens qui soient en train de vivre à l’intérieur de vous ? Des gens qui vous manquent ou ceux de qui vous vous dites, au contraire, mais pourquoi ils sont encore toujours là. A chaque fois que vous vous remémorez cette personne, elle demeure, elle se fige dans cette même personne dont vous vous souvenez. Et qui plus est, peut être amplifiée, et ça devient un peu comme une caricature, ses oreilles deviennent plus grandes, et son nez ; tous les mauvais aspects que vous pouvez voir d’elle sont amplifiés tandis que les bons aspects disparaissent. C’est du fait de ces trois propriétés, de ces trois sankhara, c’est comme cela que ça se passe.
Et ainsi de tous les millions d’expériences dont vous pourriez vous souvenir et qui ont été vos expériences de vie. L’attention se fixe immédiatement sur une qualité particulière, soit de méchanceté soit au contraire de plaisir, et vient se fixer sur cet aspect. Cela recrée à nouveau cette personne. Et les personnes demeurent en nous ; ce qui fait que petit à petit lorsque cela se répète, ça devient une obsession, par rapport à des personnes, par rapport à nous-mêmes, par rapport à des événements qui se recréent.
Ainsi, votre vie peut vite devenir submergée ou saturée par toutes ces expériences. Lorsque nous nous sentons coincés, il est important de sentir ce qui est véritablement en train de se passer. Par rapport à une qualité de ressenti qui doit être présente, le ressenti désagréable ou le ressenti plaisant de l’esprit.
En essayant d’aller à la rencontre de ce ressenti, lorsque vous avez un souvenir désagréable d’une personne, de vous-même, d’une situation, des images se présentent en lien avec cela. Vous devez alors changer votre intention par rapport à cela, plutôt que d’avoir une intention de lutter, ou de réparer quoi que ce soit. L’intention première est de demeurer avec ce qui est, demeurer avec cela.
Si ce type d’histoire revient sans cesse dans votre esprit, essayez de réduire cette histoire à un mot. Si cela concerne une personne, vous essayez de la résumer en une qualité particulière. Ça peut être quelque chose comme la perte de confiance ou la trahison, quelque chose de cette nature. Vous le traduisez en cette caractéristique spécifique.
L’intention à ce moment-là n’est pas de savoir pourquoi, de savoir qui a raison, de changer les choses, mais de redonner forme à cela en une caractéristique spécifique, en une chose. De la sorte, le sankhara va pouvoir changer, l’intentionnalité va pouvoir changer. Nous le retraduisons différemment.
Au lieu de se raconter : il y a cinq ans ça n’aurait pas dû être comme ça, nous allons le traduire en un mot, en une expression qui va être ressentie « pénible », « douloureux ». Le contact qui s’effectue change aussi.
On élargit son attention de façon à ne pas avoir cette seule focalisation qui est ce qui se passe lorsque nous sommes en contact avec quelque chose, d’excitant ou de difficile. Tout se focalise et se resserre et nous entraîne à l’intérieur de cela.
Donc il doit se produire un élargissement, de façon à éviter que l’attention vienne pointer sur cet aspect uniquement. De façon à trouver un lieu où l’on pourra avoir une perspective plus large, simplement se contenter de voir ce qui est et de ressentir ce qu’il y a à ressentir. Si vous faites de la sorte, le ressenti change. Quand les choses restent figées, c’est parce que les trois aspects fonctionnent ensemble et maintiennent les choses dans cet état très figé.
On peut pratiquer ainsi au niveau des ressentis mentaux, mais on a également des ressentis physiques désagréables ou douloureux. Au lieu de lutter contre ou d’essayer de s’en débarrasser, les accueillir, en même temps en prenant en compte toutes les autres zones qui ne sont pas tendues ou désagréables.
Lorsque l’on pratique la pleine conscience du corps, il y a un mode très utile ; si vous avez un ressenti spécifique, un souvenir qui vous vient à l’esprit, une situation, et que vous les traduisez de la façon habituelle en se disant : « Ah, ça s’est passé il y a cinq ans et ça n’aurait pas dû être comme ça, ou qu’est-ce qui aurait pu se passer autrement », ou bien dans le futur : « Voilà comment il faudra que les choses soient, au lieu de procéder de la sorte », vous pouvez vous dire : « Comment est-ce que cela se manifeste dans le corps, maintenant ? Est-ce que le corps ressent une excitation ? Est-ce qu’au contraire sa vitalité s’effondre ? Est-ce que soudain tout est en train de remonter au niveau du visage ? » Vous vous sentez en alerte ? Vous sentez que vous avez la bouche pincée et le front plissé, tendu ? En particulier dans la zone derrière les yeux, vous sentez qu’il y a une tension qui se produit ?
Comment le corps fait-il l’expérience de cela ? Il se peut qu’il s’évanouisse complètement. Et parfois lorsqu’il y a une expérience de choc, par exemple, le corps littéralement disparaît.
Quand vous traduisez comment le corps fait l’expérience de cela, que vous ramenez tous vos états mentaux à l’intérieur du corps, il se peut que vous vous sentiez très lourd au niveau des épaules. Vous allez utiliser l’attention pour repérer ce qui est en train de se passer, par exemple au niveau du bas du dos, ou au niveau de la poitrine, voir si la poitrine soudain se resserre, se tend.
Et vous essayez de revenir doucement, donc, à partir de ce corps de douleur qui peut se sentir cassé, tendu ; quelle que soit la manifestation, c’est le corps de douleur qui s’exprime. Nous reconnaissons cela en nous souvenant en même temps qu’il existe un corps libre. Ce qui signifie que nous revenons dans notre base, nous revenons nous établir dans un ressenti du centre, puis nous sentons les limites de notre peau et l’espace autour de nous, et graduellement le corps de douleur se dissipe. Lorsqu’il se dissipe, il emporte avec lui la douleur.
L’aspect essentiel des enseignements bouddhistes n’est pas de savoir ce qui est bien ou ce qui n’est pas bien, ce qui est juste ou ce qui n’est pas juste, c’est de trouver la façon d’arrêter la souffrance. Il ne s’agit pas de savoir qui a raison, ce n’est pas une cour de justice, il ne s’agit pas non plus de vous juger ou de juger les autres, même si les autres personnes ont tort, qu’ils manquent de bonté, ou même qu’ils soient cruels. Même si vous-même avez été stupide, manquant de soin, sans intelligence, inattentif, etc. La question est d’arrêter la souffrance qui est créée par cela.
Parce que si vous n’arrivez pas à changer l’impression de « je suis comme ça, il est comme ça », c’est avec cela que vous allez rester, pour toujours. Parce qu’à ce moment-là, les trois sankhara sont verrouillés. A partir de là vous ne voyez plus tout ce qui peut être beau, tout ce qui peut être généreux, tous les aspects qui sont magnifiques, tout est verrouillé dans cette réalité qui devient la caractéristique principale, la seule chose qui soit vue.
Comment arrêter la souffrance ? Je me souviens d’avoir parlé à des personnes et à chaque fois que je les voyais, c’était toujours la même rengaine, combien ils se trouvaient mauvais et stupides. Pendant une quinzaine d’années, ils ont répété cela. Pendant ces quinze ans, pourtant, j’ai vécu avec elles et j’ai pu voir qu’elles étaient capables d’intelligence, de générosité, de bonne volonté, de diligence. Mais en même temps la seule chose qu’elles pouvaient voir en elles et dont elles se souvenaient, c’était ces difficultés. Une fois j’ai demandé : « Mais qu’est ce qui ne va pas chez vous ? ». La personne ne pouvait pas désigner quoi que ce soit. Elle dit, parfois je suis un peu irritable le matin. C’était le moment d’être plus spécifique, mais ça tourne toujours autour d’un petit détail.
Parce qu’en fait il y a l’impression en arrière-plan des trois caractéristiques qui sont verrouillées et vous laissent l’impression d’être une personne difficile et désagréable. Ça devient une tendance latente, dormante, qui agit en continuité. C’est comme si je cherchais et trouvais une chose aujourd’hui qui puisse justifier cette impression, voilà, c’est la preuve, et tout le reste de l’expérience est oublié.
C’est comme cela que fonctionnent les sankhara et ce qui crée des formations karmiques, c’est-à-dire ce qui est au centre de qui vous pensez être. Si c’est verrouillé, cela peut continuer tout le temps d’une vie, c’est assez effrayant. Et c’est ce qui est pris en compte dans le fait de la renaissance. Car ce sont les sankhara qui déterminent la renaissance ; la seule chose qui renaît, ce sont les sankhara. Ce n’est pas vraiment une personne, c’est simplement la continuité d’une impression ou une sorte de première épreuve qui se perpétue.
Ces empreintes peuvent s’être établies lorsque nous étions très jeunes, et se perpétuer, nous laissant par exemple un sentiment de ne pas être à la hauteur, qu’il nous faut lutter pour attirer l’attention, l’amour d’autres personnes. Ainsi elles se figent, sans qu’elles ne soient jamais vraiment remises en question au cours de notre vie. En fait, elles sont tellement établies qu’on ne les voit même plus, ça devient normal, voilà, c’est qui je suis.
Mais là où nous pouvons les observer, c’est dans notre corps. Ainsi dans l’assise, on va remarquer la façon dont le corps peut se crisper, peut se tordre, se tendre, et voir ces tendances, ces schémas. C’est la manifestation de notre corps de douleur. On peut en faire l’expérience, jusqu’à un certain point.
Si on fait cette expérience du corps dans son intériorité, on va pouvoir entrer en contact avec différentes dimensions : d’abord, qu’il est chaud, en opposition avec toutes les tensions où notre corps est gelé ; qu’il est fluide, en opposition avec toutes les rigidités que l’on peut y rencontrer ; et également qu’il est mobile, donc pas statique ; qu’il a une stabilité, par opposition au fait qu’il puisse être dispersé, éclaté. Egalement qu’il y a de l’espace à l’intérieur.
Cela connecte avec les éléments. L’aspect de stabilité, de fermeté correspond à l’élément terre, qui fait que nous sentons cette stabilité. Vous sentez la chaleur qui correspond à l’élément feu et qui est toute la vitalité du corps. Vous pouvez sentir la mobilité, à travers la respiration, vous pouvez sentir tous les fins mouvements, le fait que le corps n’est pas figé. Egalement, il est souple et fluide, il peut faire l’expérience de l’espace, le fait qu’il est spacieux, pas compact.
Lorsque vous explorez votre corps, vous pouvez trouver dans le haut de la cage thoracique, une zone peut-être tendue, et vous posez la question, qu’est-ce qui se passe là ? Vous maintenez votre attention tout en incluant aussi une zone plus large, et à partir de cette zone spécifique, qui peut être difficile, on inclut progressivement tout le corps. Si par exemple il y a une sensation au niveau de l’articulation de l’épaule, aller jusque dans le bas du dos, et sentir ce qu’il s’y passe ; également au niveau du visage ; ainsi, progressivement, inclure tout le corps dans l’expérience. Ceci fait que le ressenti, l’expérience problématique de départ qui était difficile, peut être incluse dans l’ensemble de l’expérience.
Lorsque vous méditez, que vous observez votre corps, l’esprit peut s’échapper parfois et vous perdez contact avec le corps. Bien entendu, vous reconnaissez ce qui se passe. A ce moment-là, prenez un temps de pause, un petit peu comme si vous étiez en train de prendre une photo, un arrêt sur image. Peu importe ce à quoi vous pensiez ou rêviez, quelles étaient vos émotions à ce moment-là, ce qui est important est de revenir au corps et de voir comment il fait l’expérience de cela.
Peut-être que vous aurez une expérience du corps penché, ou bien affaissé. Ensuite, dites- vous où est le sentiment du fondement, de la base, de l’enracinement, ramenez votre présence dans cette base.
A partir de cette base enracinée, est-ce qu’il y a un centre ? Et qu’en est-il de la peau et de l’espace qui m’entoure ? Ainsi, graduellement le corps revient, reprend forme. Et vous voyez que l’image que vous aviez disparaît. C’est ainsi que vous affaiblissez le pouvoir que cela peut avoir de vous hypnotiser. Vous commencez à réaliser, eh bien, c’était juste cela. Il s’agit avant tout de la reconnaissance du fait que les choses n’ont pas besoin d’être coincées.
Nous allons prendre un temps de méditation debout.
La façon dont nous pouvons reformer notre corps, « l’énergiser », est de redonner de la force aux zones du corps qui étaient dormantes, ce qui va permettre à celles qui étaient suractivées de se relâcher, de se détendre.
Pour la plupart des gens, la zone la plus activée est celle des épaules, du visage, de la sphère visuelle, de la bouche. Quand nous sommes debout, demandons-nous quelles sont les zones que nous remarquons à peine. Si vous êtes debout, vous pouvez sentir vos chevilles, la partie qui est sous chaque pied, en faisant en sorte d’avoir un ressenti clair de ces zones. Nous pouvons aussi tourner les genoux vers l’extérieur pour avoir une plus grande conscience de la zone interne à l’intérieur des jambes, des cuisses. Il s’agit d’amener notre conscience dans toutes ces zones dont nous ne sommes pas très conscients habituellement.
Nous pouvons prendre conscience aussi de la zone située entre le bassin et les côtes au niveau du dos, une zone que nous ne sentons pas souvent car nous sommes assis sur une chaise et souvent affaissés. En amenant notre conscience dans cette zone, en nous souvenant que cette zone comprise entre le bassin et les côtes est notre soutien principal, qui nous permet de nous redresser et que nous oublions souvent de ressentir. C’est une zone très importante, car elle représente notre capacité à nous maintenir debout, à nous redresser. Ce ne sont pas les épaules, contrairement à ce qui se passe très souvent – car ce sont elles qui subissent toute la tension, pour essayer de nous maintenir et de nous garder redressés, droits – mais cette zone du bas du dos qui est importante.
Si vous pouvez mettre toute l’énergie dans cette zone, ça va permettre à la région abdominale de se relâcher et à la cage thoracique d’être posée simplement et ouverte au-dessus, d’amener dans cette zone toute la vitalité, de ressentir la vitalité de votre corps redressé.
Etant redressé, en équilibre, amenez ce ressenti jusqu’au niveau supérieur de la colonne vertébrale, du dos, au niveau de la nuque et de la tête, derrière la gorge, au niveau du cou, de la nuque et jusqu’au sommet du crâne, sentir cette ligne depuis le sommet du crâne jusqu’en bas.
Le fait d’amener votre énergie dans le bas du dos et de la laisser remonter jusqu’au niveau de l’arrière de la gorge, du cou et de la tête permet à toute la sphère visuelle et au visage de se décontracter, de se relâcher, et en même temps, toute la partie antérieure du corps.
En amenant votre conscience et l’énergie dans toutes ces zones qui ont pu être oubliées, vous pouvez également vous poser la question de savoir s’il y a des aspects opérants qui sont en action et qui pourraient être mis au repos, qui pourraient être éteints.
Voyez tout ce que vous pouvez éteindre de la sorte, même de toutes petites choses ; ça peut être au niveau des yeux, du nez, du visage, des doigts peut-être, dans n’importe quelle partie du corps, vous sentez quelque chose qui peut être désactivé, cela va donner un regain de force à votre corps.
De même, au niveau de l’aspect mental, toutes sortes d’attitudes de souvenirs que vous n’avez pas besoin de maintenir, eh bien, vous pouvez les désactiver. Il s’agit juste du corps qui est là, debout. Remarquez s’il y a des annotations, des pensées qui disent : « Qu’est-ce que je suis en train de faire », simplement débranchez le système parce que votre corps n’en a pas besoin ; il se tiendrait debout de toute façon, sans tout cela.
Voir simplement ce qui s’élève dans l’esprit, les différentes énergies, les attitudes, voir au sein de tout cela ce qui est utile et ce dont vous n’avez pas besoin pour l’instant.
Nous pouvons prolonger cela par une marche méditative. Ces attitudes sont des intentions latentes, ont des objectifs latents. Ça commence avec une intention de se dire que quelque chose devrait se passer là maintenant, quelque chose de bon devrait arriver. Je dois me calmer, je dois lâcher prise, je dois sentir un soulagement : toutes ces intentions en fait sont souffrance.
Mais on peut se tenir debout et marcher sans tout ça, sans ces intentions, le corps peut parfaitement le faire. Quand nous marchons, il y a toutes les intentions inconscientes qui s’élèvent, qui apparaissent avec l’idée que quelqu’un est en train de faire cela. Mais qui est-ce ? Quelqu’un est en train de le faire, pour obtenir un résultat, et un état agréable. En fait, on est en train de souffrir.
Nous n’avons pas besoin de ça, car nous pouvons fonctionner parfaitement bien sans tout cela. C’est en débranchant toutes les intentions inconscientes et confuses que l’on peut être en contact avec un sentiment de paix, de liberté. C’est juste cela. Soyez conscients, pendant la marche, de cette personne, de cette personnalité qui se manifeste de temps à autre, et revenez à votre corps. En portant plus d’attention à la fluidité du corps, à sa présence, à sa chaleur ; c’est beaucoup plus important que la personne qui est en train de le faire.
Nous allons prendre 45 minutes pour cette marche.
Questions-Réponses
Je vous propose tout d’abord de poser des questions, si vous en avez, sur les enseignements d’aujourd’hui, ou s’il y a des points sur lesquels vous aimeriez des précisions, des clarifications.
Question : A propos de la marche, Ajahn a dit que le corps peut marcher même sans la pensée, donc je voudrais savoir à ce moment qui décide si je marche ou je ne marche pas : qui marche, le corps qui marche tout seul, ou le corps et l’esprit ?
Réponse : C’est l’intention qui décide de marcher, c’est l’esprit qui dit d’aller marcher ; en fait, j’ai décidé pour vous que vous alliez marcher (rire), et ensuite c’est l’intention.
La période de marche méditative est le cadre qui est donné, c’est un concept. A partir de là, il y a l’idée qui se met en place d’aller marcher, puis l’intention qui va jusqu’aux pieds qui fait qu’on va changer de position, se lever. C’est l’intention qui donne l’impulsion à la marche.
Donc ce n’est pas un personnage historique, ou un personnage quel qu’il soit, qui est en train de le faire. La personne en fait ne sait même pas comment marcher. Est-ce qu’elle se dit : « Il va falloir fléchir le muscle dans l’orteil gauche, tandis que l’on tend le muscle au niveau de la hanche », non, la personne se dit « allons marcher » ; sans savoir vraiment comment marcher, sans savoir ce qu’il se passe.
Question : Ajahn a dit « allez marcher », moi j’ai observé à la fois une impulsion « aller marcher » et une impulsion « ne pas marcher», donc une des deux impulsions, une des deux personnes, a gagné !
Réponse: Pourquoi est-ce que ça a besoin d’être une personne ? C’est quoi une personne ? Est-ce qu’il ne s’agit pas là de la conscience, de l’intention, ce sont des courants qui se manifestent dans l’esprit, des courants mentaux.
Et il y a le fait d’être conscient de cela, c’est un autre aspect de la conscience justement. Comme ces pensées et ces intentions sont familières, elles deviennent répétitives, c’est ce qui fait que ça semble être moi parce qu’elles ont été répétées encore et encore.
Dans le cas d’une flûte dans laquelle vous soufflez, envoyez de l’air, un son va sortir. Qui ou qu’est-ce qui crée le son, est-ce la flûte, est-ce le souffle ? C’est la même chose avec le son du soi ou le ressenti du soi qui passe à travers un instrument, qui fait que c’est reconnu comme tel. C’est reconnu comme étant soi, mais en même temps ce n’est qu’une suite de phénomènes qui émergent, du fait de circonstances particulières qui ont permis cela.
Le son de votre voix, est-ce que ça ne semble pas être vous, c’est sans doute la chose la plus reconnaissable de votre personne. Personne d’autre n’a la même sonorité ; donc à partir de là, est-ce que je suis une voix ? Qu’est-ce qu’il se passe lorsque j’arrête de parler ? Est-ce que je disparais ? (rire).
Par conséquent, ce sont des familiarités avec des qualités et des spécificités uniques, il est vrai, mais en même temps ça ne représente pas une personne en tant que telle, spécifique. De même que les pensées qui traversent votre esprit : elles ont une énergie qui leur est propre, mais en même temps il n’empêche que cela reste des phénomènes qui traversent l’esprit.
Ce qui est important c’est donc la conscience que l’on va y apporter et le fait de se questionner, de se dire : « De quoi s’agit- il, qu’est-ce qu’il se passe ? », exactement comme si on se posait la question face à un inconnu, non pas avec hostilité, mais simplement quelque chose qui nous est étranger. On a la curiosité, le questionnement de se demander : « De quoi s’agit- il, qu’est-ce que c’est ? ». A ce moment-là, il n’y a pas à s’identifier et à dire c’est à moi, c’est moi, mais simplement de remarquer de noter, de dire oui, c’est cela, voilà, c’est cela.
Ce qui signifie qu’on ne fait pas ce qu’on n’a pas à faire. On n’a pas à appeler, à nommer quelqu’un, ce n’est pas hostile non plus, simplement on n’a pas à définir. Il suffit de voir ce qu’il est bon de faire et ce qu’il n’est pas utile de faire. Il n’y a aucune utilité à appeler ça le soi, ça ne vous aide pas, en fait au contraire, ça complique plutôt les choses.
Parce qu’une fois que nous procédons ainsi, toutes sortes de questions s’élèvent : « Pourquoi est-ce que je suis comme ça ? », on commence à apprécier ou à rejeter, à donner de la valeur, toutes sortes de problématiques viennent se greffer, à partir du moment où c’est considéré comme étant le soi.
On demande à ce moment-là que soient portés un poids, un fardeau que l’on n’a pas la possibilité de porter. S’il s’agit de soi, il faudrait que ce soit permanent, stable, satisfaisant, complet, mais ça ne l’est pas ! En fait, c’est vraiment un soulagement. Parce que finalement vous avez des pensées stupides, des pensées dégoûtantes, des pensées brillantes, et vous n’avez pas besoin de vous en inquiéter ! (rires).
Ainsi ça devient beaucoup plus clair ; quand les pensées émergent, on peut prendre un temps pour voir celles qu’il est utile d’entendre, d’écouter et de suivre. Ainsi on peut laisser passer un bon nombre de pensées, puis soudain en repérer en disant, tiens celle-ci est intéressante, celle-ci est bonne. Mais on peut dire que c’est à peu près cinq pour cent de toutes ces pensées qui peuvent avoir une telle utilité. Ah, bonjour ! (rires).
Question: Pourquoi est-ce que l’esprit produit tant de pensée ?
Réponse : Il y a différents niveaux de raisons, on peut dire différents niveaux de conditions qui génèrent cela. Nous sommes des créatures sociales, donc nous échangeons par la parole. Pour être ensemble, il va falloir parler, et on ne peut pas parler si on ne pense pas. Ainsi l’esprit humain est naturellement poussé à créer des mots, à utiliser le langage pour communiquer.
Puis ce qu’on apprend aussi dans notre société et dans nos groupes, c’est que si on a un bon raisonnement, si on réfléchit vite, que l’on pense vite, on monte à l’échelle sociale, on aura un bon boulot et on sera respecté. Par contre si on pense lentement, on va tomber. Donc il y a énormément de valeurs qui sont liées au fait de pouvoir penser rapidement, d’articuler rapidement et de brasser beaucoup d’idées. Il est certain que cela vous donne beaucoup plus de succès si vous êtes ainsi.
A partir du moment où l’on donne cette valeur à la pensée, ça incite à produire de la pensée. C’est le bhava–taṇhā ou la formation du soi qui produit cette image, l’impression d’être quelqu’un. Un désir naturel d’être quelqu’un de stable, de solide et d’efficace.
Dans une société compétitive, on insiste beaucoup sur le fait de pouvoir réfléchir vite, d’avoir des idées, d’être opérationnel. Bien sûr c’est un processus très puissant que de pouvoir conceptualiser et c’est peut-être pourquoi nous avons une place plus forte sur la planète que les limaces ou les biches. Le problème c’est que nous n’en sommes pas plus heureux. Parce que la pensée, c’est très puissant mais c’est également très insubstantiel. Comme des bulles, l’une après l’autre, et puis ensuite qu’est-ce qui s’est passé ?
Question: Qu’est-ce que vous voulez dire par «utile», concernant l’intériorité ?
Réponse : Ce qui amène à un plus grand bien-être, qui consiste à approfondir notre intériorité et qui apporte plus de sagesse, plus de clarté. C’est l’aspect intérieur qui peut être renforcé de façon à être moins dépendant des aspects extérieurs, qui va créer un plus grand bien-être.
Ce processus consiste à amplifier, donner plus d’énergie à certains aspects tandis que l’on en débranche d’autres. Si vous vous trouvez en train de penser beaucoup, vous pouvez vous demander : « Est-ce que ça rapporte quelque chose ? ». Est-ce que c’est utile ? Et vous rendre compte que finalement non, ça me met dans un état d’agitation plus grand, donc comment est- ce que je peux diminuer cela ?
Vous vous rendez compte que cela n’apporte pas un bienfait durable, si vous observez ce qui est en train de se passer, même si les pensées vous disent le contraire ; mais en approfondissant vraiment, vous vous rendez compte que cela n’apporte pas vraiment de bienfaits. On est conditionné pour avoir plus, vous avez quelque chose, oui, mais pour être vraiment bien, il faudra plus, et puis encore plus, et encore plus. Et là, lorsqu’on vous dit qu’il s’agit d’avoir moins, le moins devient le plus, c’est ce qui vous donne plus d’espace.
Bien sûr, au bout du compte, ce n’est pas à moi de vous dire ce qui est utile, ce qui est bon, ce qui ne l’est pas, c’est à chacun d’explorer par rapport à ses propres besoins, de découvrir ça dans sa propre vie. Simplement il me semble que ce qui permet d’avoir le plus grand calme, le plus d’espace, contribue à notre bien-être. Car sans cesse produire plus, que ce soit plus de biens, plus de maisons, de propriétés, ou plus de pensées, ça n’apporte pas beaucoup de bienfaits.
Question : Vous avez dit tout à l’heure que les sankhara se propageaient d’instant en instant, de renaissance en renaissance, et constituaient donc le kamma, mais est-ce que le kamma ce n’est que les sankhara, ou est-ce que le kamma c’est aussi autre chose ?
Réponse : C’est seulement les sankhara. Le kamma se réfère à l’activité à proprement parler. kamma veut dire « action » donc ça se réfère aussi à l’intention, à cetana, l’intention qui se met en action.
Si on observe la loi du kamma, il y a le kamma de l’action mais aussi le résultat vipaka qui est le résultat. Ce résultat, en général c’est un ressenti, une perception, quelle qu’elle soit, ou un niveau de conscience, et ce sont donc les khandha, les agrégats, qui constamment prennent forme à partir des sankhara.
On peut le voir dans notre vie, en fait : si on développe une attitude généreuse, on a un résultat qui est d’avoir un esprit satisfait, ouvert, on se sent élevé, spacieux. Alors que si on est ronchon, insultant, de mauvaise humeur, eh bien l’état d’esprit, l’état de conscience qui en résulte est au contraire très contraint, très tendu. C’est ainsi que cet état de conscience est perçu comme le résultat de l’action.
Ce que l’on appelle le soi en général, c’est le vipaka de différents comportements, de différentes pensées, et donc le résultat de ces comportements, de ces pensées antérieures.
Question : Pour compléter sur cette question, vous avez dit tout à l’heure que le moyen d’affaiblir le sankhara, c’est de se centrer sur le corps. Ce que je voudrais savoir, c’est si cet antidote permet d’en terminer avec l’emprise des émotions. Et quel est le rôle du corps dans l’éveil, dans le chemin vers l’éveil ?
Réponse : La conscience du corps est un thème essentiel sur le chemin de l’éveil. Il n’est pas possible d’atteindre l’éveil sans avoir accompli la pleine conscience du corps.
Mais en même temps il est bon d’avoir aussi quelques autres outils à sa disposition.
Il est important de développer des attitudes comme l’attitude de bonne volonté, de bienveillance, par exemple, et toutes les bonnes attitudes. Sinon, le corps digère comme il peut par le biais de la pleine conscience tout ce que vous lui apportez, mais à un moment donné, ça va être trop lourd, donc il faut aussi nourrir par des attitudes comme le fait de respecter les préceptes, et une bonne volonté.
C’est pourquoi il faut créer un comportement psychologique et verbal qui soit digeste, facilement digeste. Et un type de comportement qui facilite le retour au corps. Ce qui signifie développer des attitudes de contentement qui vont faciliter le retour en soi et la possibilité d’approfondir notre intériorité.
Il est très clair que si nous sommes habités par la violence, la malveillance ou la méchanceté, il est très difficile de maintenir ça dans le corps car ça crée énormément d’agitation, de tensions Il va être difficile de pouvoir s’établir dans la stabilité. C’est pourquoi le comportement éthique est très important.
Et puis également si nous sommes sans cesse projetés à l’extérieur de nous-même, il devient de plus en plus difficile de revenir s’établir à l’intérieur. A l’époque du Bouddha, cette façon de se propulser à l’extérieur était surtout dans le domaine des appétits sensoriels. Donc il encourageait toujours les gens à diminuer les appétits sensoriels, à développer le contentement, de façon à être plus paisible. Aujourd’hui, il y a un aspect énorme qui nous pousse, nous propulse à l’extérieur, c’est le travail. La forte pression que l’on rencontre au travail, cette nécessité de toujours aller de l’avant, de résoudre les choses, de les réparer, d’accomplir, c’est quelque chose qui crée beaucoup de dommages au niveau de notre système nerveux.
C’est ainsi que le style de vie que l’on a, l’éthique, le fait d’encourager des aspects qui vous procurent une satisfaction, un contentement, vont faciliter la pratique de la méditation.
Question : Quand on a passé sa vie, ou quand on s’est dédié au Dhamma, qu’on a compris tout ça, qu’est-ce qui reste à faire ? Quelle est la méditation-type, enfin qu’est ce qui se passe pendant une heure, qu’est-ce qui se passe lors de la méditation ?
Et la deuxième question, c’est, que peut-on espérer en pratiquant sérieusement ?
Réponse : Il faut juste continuer à pratiquer. C’est comme le fait de manger de la nourriture, de se nourrir, il faut continuer de le faire. C’est comme tout apprentissage, qu’on continue à faire et que l’on approfondit. Sur le chemin, eh bien, il y a différents aspects que l’on peut remarquer ; ils font que l’on approfondit notre clarté, notre contentement, notre bienveillance.
Ce que je peux dire, c’est que si l’on cultive la qualité de conscience incarnée, c’est comme cela que je pourrai la désigner, on en sent les effets. Par le fait que tout ce qui se passe vous traverse simplement, très rapidement, que rien ne reste avec quoi vous soyez accroché, et que parallèlement, de la même façon, vous soyez moins réactif, que vous vous projetiez moins dans la réaction vers l’extérieur. C’est un bienfait manifeste que vous soyez dans un état plus réceptif, calme, ouvert, que les choses vous traversent simplement.
Il y a aussi un autre élément, c’est le nibbana, le nirvana que tout le monde détient également. Il y a cet élément du nibbana, le souhait de pouvoir digérer les choses et les dissoudre au fur et à mesure. C’est ce qui permet aux choses de disparaître, parce que sinon vous seriez complètement fous déjà, maintenant (rires). Vous seriez vraiment submergés s’il n’y avait pas cette capacité lorsque les choses se présentent, de lâcher prise.
Nous ne le reconnaissons pas forcément car c’est sans forme, ce n’est pas palpable, mais en même temps si nous n’avions pas cette qualité nous serions déjà complètement fous, car effectivement c’est ce qui permet que les choses puissent nous traverser, puissent passer, qu’on puisse les lâcher.
Les pratiques que nous effectuons dans les retraites comme celle-ci sont faites pour accroître le potentiel, les capacités de ce nibbana. Ce n’est pas parce que nous aurons ajouté quelque chose à notre expérience, mais au contraire parce que nous aurons pu relâcher un certain nombre de choses.
C’est comme lorsque vous pouvez enfin libérer votre vessie, allez uriner, eh bien vous vous sentez mieux ; ce n’est pas parce que vous avez ajouté quelque chose, mais que vous avez libéré quelque chose qui vous permet de vous sentir plus léger, plus vivace.
On le fait aussi avec l’esprit, contrairement au corps qu’il nous faut nourrir, où il faut toujours, pour rester vivant, ajouter des choses. Pour l’esprit, on peut s’en débarrasser d’un bon nombre. Ne pensez pas que ce soit négatif, au contraire, c’est un processus de libération, de soulagement, qui s’opère par le fait qu’il n’y a plus à se compliquer à penser, à rajouter des choses.
Les pensées en elles-mêmes ne sont pas mauvaises ; mais des choses auxquelles nous pensons, nous procurent de la souffrance et nous n’arrivons plus à les contrôler.
De la même façon qu’il y a des émotions qui peuvent être chaleureuses et nous apporter un réconfort, d’autres au contraire sont basées sur la méchanceté ou la malveillance. Pourquoi rester coincé là-dedans, puisque cela ne fait que vous blesser, que faire mal ?
Mais cela c’est juste la surface ; il n’y a pas de problème majeur quant aux pensées en elles-mêmes et aux émotions. Ce qui est important, c’est de pouvoir aller en-deçà et de pouvoir explorer la raison pour laquelle elles restent figées, coincées.
C’est ce qui se fait par la pratique de la vision pénétrante, après avoir pu établir un niveau de stabilité et de calme qui permette de laisser remonter les aspects qui pouvaient être à un niveau inconscient, de les laisser apparaître et de pouvoir les contenir, en entrant en contact avec eux.
Question: Quand on est face à ses sankhara qui se manifestent de façon puissante, sous forme de pensées, d’émotions ou autres, que serait pour vous l’outil le plus puissant, est-ce que c’est le discernement, est-ce que c’est le non-attachement ?
Réponse : Ce serait bien de répondre par un mot, mais en fait c’est vraiment tout un processus.
La première étape est la pause, l’appamāda, qui permet de ne pas être entraîné dans le cycle de ce qui se manifeste, mais de pouvoir être un petit peu en retrait, de pouvoir voir ce qui est en train de se passer.
Une fois que vous effectuez la pause, vous pouvez très vite revenir à l’intérieur du corps. Le fait même d’avoir la capacité de revenir au corps fait que vous n’allez plus être dans le feu des émotions et des pensées ; vous allez pouvoir un peu être en retrait pour les observer.
Je pourrais dire que ceci en fait est vraiment un conseil pour n’importe quelles situations ou expériences. A partir de là, c’est un peu comme enraciner vos pieds au sol et de se dire : « Qu’est- ce qui va arriver ? ». Ça peut être de délibérément tourner votre attention vers quelque chose d’autre, ailleurs, ça peut être de faire une marche de façon à amener plus d’énergie dans votre corps. Plus vous allez utiliser votre corps, plus ça va libérer votre potentiel, parce que ce qui se passe sous l’emprise des pensées et d’émotions fortes, c’est que vous êtes hypnotisés, vous êtes un peu comme un lapin devant les phares.
Mais si vous arrivez à vous enraciner dans le corps, à un moment donné il va y avoir une énergie de bonne volonté qui va naturellement se manifester, une qualité chaleureuse, de bienveillance qui va permettre aussi de décharger l’impact de l’émotion perturbatrice négative.
Mais bien sûr, cela demande beaucoup de travail, d’application. Ce dont il faut se souvenir principalement, c’est que ces sankhara sont impermanents. Si vous ne leur prêtez pas attention, si vous ne les nourrissez pas, ils vont petit à petit se dissoudre d’eux-mêmes, perdre de leur intensité et de leur impact. Par contre, si vous leur prêtez attention, vous allez les nourrir, si vous les identifiez au soi, vous leur donnez plus de force et ils vont se cristalliser. Alors qu’en fait il est important de les voir comme des phénomènes impermanents, et qu’il ne s’agit pas de vous.
Question : S’il existe une obsession, il faut l’affamer, ne pas la nourrir, ne pas lui donner plus d’énergie ?
Réponse : Il y a vraiment cette force d’attraction, ce n’est pas une décision prise délibérément, consciemment, c’est quelque chose qui vous attire. Il s’agit de délibérément déplacer l’énergie ailleurs.
Un exemple, pour moi, c’est de se tenir sur la tête, de faire la posture sur la tête, parce que là ça demande tellement d’efforts pour se maintenir en équilibre que l’énergie ne peut pas se concentrer sur l’obsession. On lui laisse moins de puissance, moins de pouvoir. Allez-y, allez-y ! (rires) tout le monde sur la tête, tous les problèmes vont se résoudre !
Ce que l’on ne reconnaît pas en fait, c’est que dans l’obsession il y a une énergie surdimensionnée. Ce qu’il faut faire, plutôt que de lutter avec ça, c’est de voir les autres zones qui au contraire manquent d’énergie puisque toute l’énergie a été concentrée autour de l’obsession.
De la même façon qu’on le fait dans le corps avec le problème de l’endormissement : il y a une partie du corps qui est partie, qui n’est plus là, donc il s’agit de voir quelle est la zone du corps qui manque d’énergie, où on peut rétablir l’équilibre et renforcer l’énergie, pour que ça s’équilibre.
La torpeur, c’est quelque chose que nous traversons tous, l’énergie à un moment ou à un autre baisse et donc nous sommeillons. Il y a aussi la torpeur qui est un empêchement, non pas parce que notre corps est fatigué, mais qui provient d’un déséquilibre. Ça provient du fait de ne pas le reconnaître, de ne pas accéder à la plénitude de notre corps. Et à nouveau c’est parce que l’essentiel de notre attention est projeté vers l’extérieur, ce qui fait que nous ne connaissons pas bien cette zone du corps.
La plupart du temps, lorsqu’on demande aux gens de ressentir leur corps, c’est en général au niveau du visage, de la partie supérieure de la cage thoracique, et puis des bras et des mains, parce que ce sont les zones les plus activées.
Il est bon d’explorer l’entièreté de notre corps. Nous savons que les zones moins activées existent, mais nous n’en avons pas beaucoup l’expérience. C’est du fait que nous ne sommes pas vraiment ajustés avec cela que les déséquilibres se mettent en place.
Ainsi je mentionnais la zone du corps qui se situe entre les côtes et les hanches au niveau du dos. Elle devrait être la partie principale qui soutient notre corps, mais du fait que nous sommes assis la plupart du temps sur une chaise, cette zone qui n’est pas utilisée devient inactive.
Combien de temps passons-nous dans la journée à conduire une voiture ou à être sur un ordinateur ? Toute la zone des bras, des mains, etc., est active mais cette partie du dos est passive. Qu’est-ce qui se passe quand vous arrêtez d’utiliser les mains et la tête, eh bien ça s’effondre, parce qu’il n’y pas de soutien, de support, dans cette partie-là, le bas du dos.
Nous ne nous connaissons pas, donc nous essayons de nous étirer à partir des épaules ou en étirant la tête. Alors que ce qu’il nous faut faire c’est de rentrer à l’intérieur avec cette zone du dos, ce qui va nous étirer, nous élever vers le haut. Il ne s’agit pas de se redresser vers le haut mais de rentrer toute cette zone vers l’intérieur, c’est fait pour cela, et ainsi toute l’énergie va être concentrée et nous permettre de nous établir, de nous redresser.
Egalement, tout le côté du corps, le côté de la cage thoracique est une zone qui n’est pas vraiment conscientisée, qui n’est pas utilisée et donc qui se bloque très facilement. Et comment est-ce que vous pouvez ressentir l’espace si vous ne pouvez rien ressentir dans cette zone ? Sans cette sensibilité, comment pouvez-vous faire l’expérience de l’espace ? Car l’espace est quelque chose qui s’élargit horizontalement. Devant, c’est quelque chose qui nous pousse vers quelque chose.
L’espace est horizontal. Mais tout est fermé dans cette zone latérale de la cage thoracique ; on est assis, là, le dos recourbé, tout fermé.
La somnolence, c’est un peu comme si on avait la tête dans un sac, on est tout refermé sur soi-même. On ne peut pas ouvrir cette zone tant qu’on ne la connaît pas. Au niveau des tissus, tout autour de la tête, il y a des peaux sous la peau. En faisant fonctionner notre tête, c’est souvent au niveau du front que tout se resserre, la bouche, les yeux, tout est tendu, serré.
Essayez de sentir ce qu’il se passe au niveau des tempes, plutôt que de sentir toujours ce qui nous mène en avant au niveau du regard, des yeux, sentez cette zone des tempes qui est très tendre, un peu comme la paume des mains ; c’est la partie la plus tendre de la tête. Qui plus est, elle est en connexion avec le front, avec la mâchoire, avec la sphère visuelle ; donc si vous relâchez cette zone, cela va tout détendre. Vous pouvez avoir un ressenti d’ouverture. Alors la tête peut sortir de ce sac dans lequel elle était enfermée.
Si l’on sent que l’on est dans la somnolence et que l’on commence à lutter en se disant : « Allez, réveille-toi, réveille- toi ! » ça va encore fatiguer un peu plus. C’est pourquoi je dis de faire attention à l’effort que vous produisez, car si vous faites un effort qui fige tout, vous empêchez l’énergie de circuler. Souvenez-vous que si l’effort constitue une pression, vous bloquez le flux de l’énergie.
Est-ce que cela a du sens, dans votre expérience ? L’énergie est une qualité naturelle que l’on ne peut pas créer avec notre volonté. Ce que l‘on peut faire avec notre volonté, c’est la diriger, la guider, mais on ne peut pas la créer.
Si on a mis beaucoup d’énergie sur quelque chose, ce qu’il nous faut voir, c’est que nous ne l’avons pas créée, nous avons simplement canalisé toute notre énergie sur ce point unique. Soyez conscient de ce vers quoi vous dirigez votre énergie, car il y a un prix à payer à cela.
C’est pourquoi il est important de ramener l’énergie, simplement d’être dans un état de réceptivité, de pause, sans essayer de la rejeter ou de la pousser dans un sens. Elle ne va se régénérer que si elle est au repos.
Quand on a une énergie basse, que l’on somnole, et que l’on commence à lutter avec cela, on fait empirer les choses. Parce que ce qui se passe, c’est que le peu d’énergie qui vous reste, vous l’utilisez pour figer les choses. Donc il va falloir vous ouvrir, mais le problème, là, c’est qu’en s’ouvrant nous allons être en contact avec des ressentis désagréables. Il faut s’ouvrir à ces ressentis, même si on se sent mal à l’aise de le faire.
Une chose que vous pouvez faire est de placer votre point d’ancrage au niveau de la partie inférieure du dos, puisque la tendance lorsque l’on somnole, c’est de s’affaisser, d’arrondir le dos. Donc il vous faut mettre votre point de référence dans cette zone, ne pas essayer de vous étirer avec les épaules, mais entrer dans toute cette zone et permettre que cela s’ouvre latéralement. Parfois il peut y avoir des distorsions qui se manifestent au niveau de la peau ; il faut sentir aussi l’espace autour de vous, en gardant vos yeux ouverts.
Nous pouvons aussi répondre très bien au ressenti tactile. Lorsque nous sommes somnolents, les choses deviennent floues, nous avons beaucoup moins de précision. Peut-être que la zone la plus précise du toucher est le bout des doigts. Cela aide de mettre en contact les doigts, de les faire glisser, se croiser ; vous savez que vous êtes en train de glisser à ce moment-là, vous le sentez. L’idée est de revenir toujours à cette position des doigts qui se touchent, c’est une zone très sensible. Ce ne sont pas non plus des doigts qui s’accrochent l’un à l’autre, ils sont simplement délicatement posés.
Mettons-nous debout pendant un petit moment.
En restant sur le même sujet, en prenant la forme du corps debout, nous apportons plus d’énergie à la partie inférieure du dos. Amener de l’énergie ne veut pas dire qu’il faille tendre cette zone, mais permettre à l’énergie d’y circuler librement.
On est debout avec les pieds dans le prolongement des jambes et on essaye de garder les jambes parallèles, les pieds aussi parallèles, en évitant de les tourner vers l’extérieur ou l’intérieur.
Vous écartez les genoux de façon à ce qu’ils se positionnent au- dessus du centre de vos pieds. Maintenant vous étirez les genoux vers l’extérieur, vous les fléchissez un peu comme si vous alliez vous asseoir.
Vous passez un petit moment comme cela, ce qui signifie que si vous amenez toute votre énergie au niveau de vos jambes, ça permet à l’énergie qui était peut-être coincée dans la partie supérieure, au niveau de la cage thoracique, de se libérer.
Si vous avancez vers l’avant et que le poids du corps se porte sur l’avant des pieds, vous avez plus de pression au niveau des orteils ; ce qu’il se passe au niveau de vos jambes, c’est que vous sentez qu’il y a une tension au niveau des muscles des mollets, pour maintenir la position verticale.
On revient ensuite sur les talons, dans l’autre sens, alors ce sont les cuisses qui vous soutiennent. Imaginez que vous glissiez une feuille de papier sous vos orteils, de façon à ce qu’ils se soulèvent tout juste et vous prenez appui sur les talons.
Si vous continuez à vous baisser pour vous asseoir peut-être deux centimètres de plus, vous avez les bras en avant pour trouver l’équilibre. Vos mains reposent sur un support ferme. Arrangez-vous pour trouver la position qui va vous permettre de la maintenir sans trop d’effort. Le poids du corps est principalement en appui sur les talons. Vous êtes sur le point de vous asseoir, vous êtes soutenu par les mains qui sont en avant, les épaules élargies qui font contrepoids.
Nous restons avec cette posture une minute ou deux.
Essayez de ne pas forcer. Si vous sentez que vous êtes en force alors essayez de redescendre vos mains et reprenez la position debout, voyez si vous pouvez rester encore un peu plus dans cette posture.
Doucement, portez-vous en avant, en appui sur la plante de vos pieds en laissant doucement vos bras redescendre ; vous étirez doucement les jambes, en sentant l’étirement, sans qu’elles soient rigides.
Nous allons retrouver la posture assise, pendant à peu près quinze minutes. Si vous souhaitez continuer debout, c’est bien, vous pouvez, en vous souvenant qu’il est important d’insister sur le ressenti au niveau des côtés du corps, de façon à rentrer en contact avec des notions d’espace.