Le don du Dhamma surpasse tous les autres dons

Rester dans le réel (1)

Premier jour

 

Enseignement du soir

Bienvenue ! Il me semble que nous étions déjà là, il y a deux ans, avec Ajahn Kondañño.

Le temps… En quelque sorte, le temps est une illusion, les nombres, les jours, tout cela. Ce sont les caractéristiques extérieures du temps, les chiffres sur la pendule et les jours sur le calendrier.

En fait, ce qui se passe, c’est que l’on s’oriente vers des zones spécifiques de conscience.

Lorsqu’on arrive dans un endroit, des souvenirs particuliers et des associations s’activent, des reconnaissances. Mais peu importe quand c’était, ou combien de temps a passé depuis, parce qu’il s’agit du même point de référence.

Nous employons des images, telles que celles du Bouddha, des chants, les assises, les formes qui nous aident à trouver un accès particulier. Les formes extérieures sont comme des portes ; peu importe l’inscription sur la porte si on l’ouvre et que l’on entre. C’est la porte vers ce qu’on appelle l’intérieur ; notre vie intérieure, notre royaume intérieur, notre expérience intérieure.

Il existe un aspect extérieur à la conscience, qui réside dans les sens, la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, et aussi les pensées. Ce sont des choses que nous pouvons pointer en disant : « Oui, voilà, ça se trouve là ».

Et puis nous possédons un monde intérieur qui a plus à voir avec l‘expérience qui semble être moi- même, qui est mon cœur, mon âme, mon esprit, mon attention, ma conscience. C’est le moi, l’aspect subjectif. Cet esprit a certaines qualités qui le traversent, comme les sentiments et les impressions, les souvenirs et les impulsions.

Plus importantes encore que ces qualités sont la connaissance, l’attention, là où nous avons le sentiment que : « Oui, je suis avec ceci, ceci est avec moi ». Avant même que des pensées soient élaborées, formées, il y a déjà ce temps de reconnaissance.

L’exploration intérieure, les différents niveaux, énergies et forces du domaine intérieur subjectif sont de l’ordre de la spiritualité, de la psychologie ; le véritable développement de l’être humain se produit à ce niveau.

Si nous regardons les choses extérieures, elles paraissent très grandes. On voit des montagnes et des rivières, des cieux et des étoiles, cela paraît tellement immense. Mais l’être intérieur est plus vaste que cela. Il s’étend et se poursuit, on ne peut y trouver de limite. Parce que tout ce qu’on voit, tout ce qu’on pense, on peut en être conscient. La conscience est toujours plus vaste que le sens de la vue, des sons, de la pensée.

Dès lors, il s’agit de l’exploration du domaine intérieur, que nous possédons tous. Celui-ci peut s’avérer très troublé, avec des états d’âme, sentiments, impulsions désagréables ; on peut se sentir disharmonieux, effrayé, désespéré. On recherche alors le calme et l’apaisement. Et si on trouve le calme, la clarté, on peut passer dans cet espace sans limite où l’on trouve la paix profonde et la libération. Les qualités de notre être intérieur peuvent alors être mises en valeur, en direction du monde qui nous entoure.

Au lieu de rester passifs ou de nous battre contre celui-ci, nous pouvons lui apporter les qualités positives de paix, de compréhension et de clarté. C’est comme une boucle, nous entrons, clarifions. Nous ne sommes pas bloqués en nous- mêmes, pas tirés à hue et à dia, nous faisons preuve de la capacité d’apporter de la bonté au monde.

Des six organes des perceptions sensorielles – œil, oreille, nez, langue, corps et pensée – les deux qui ont un intérieur profond sont le corps et l’esprit.

Le fait qu’il existe ces deux moyens d’accès est très important, car ils sont tous les deux profonds, se répondent, résonnent entre eux. Ceci signifie que certaines impressions ou structures mentales peuvent être expérimentées dans le corps. Nous le savons, lorsque nous sommes en colère, nous le ressentons de manière à la fois psychologique et corporelle. C’est intéressant n’est-ce pas ?

Lorsqu’on pratique l’attention au corps, on peut commencer à repérer certaines impressions psychologiques qui sont présentes. Quand on dit que la conscience du corps conduit à l’intérieur du corps, cela ne signifie pas que l’on entre à l’intérieur du corps et que l’on commence à pouvoir examiner les organes, la chair, la peau… Mais qu’en fait nous devenons conscients de notre incarnation, nous entrons dans la conscience du ressenti du corps. On nomme cela énergie nerveuse, somatique, psychologique ou physiologique ; différents termes pour évoquer l’intérieur, l’aspect conscient du corps.

De la même façon, quand on parle de l’être intérieur, on peut reconnaître que l’esprit pense, que de nombreuses pensées le traversent. Mais si on va un peu plus loin dans cette expérience, on peut alors voir que les émotions vont plus en profondeur que la pensée. Pourquoi ceci est-il qualifié de « plus profond » ? Parce que d’une certaine façon, c’est beaucoup plus subjectif.

On peut lire un livre, et des pensées traversent l’esprit : les pensées sont extérieures, on peut les observer, ce n’est qu’un aspect « intérieur immédiat ». Les émotions vont plus loin, on peut discerner ce qui provoque du bonheur ou de la détresse. Cela reflète l’extérieur, mais en même temps si on ferme les yeux, on peut se sentir heureux ou triste, coupable, apeuré ou brave ou quoi que ce soit d’autre, et on ne peut s’arrêter. Les émotions sont beaucoup moins conditionnées que ne le sont les pensées. Par exemple, on peut lire un livre et avoir des pensées dans l’esprit, mais on ne peut pas dire : « Maintenant, sois heureux ! », il n’y a pas autant de contrôle subjectif.

Par conséquent, nous traversons cette expérience et c’est parfois l’endroit le plus difficile pour nous, parce que les émotions peuvent surgir, sans raison particulière. Et l’une des façons par lesquelles nous commençons à clarifier ou calmer ou libérer les émotions, c’est de les ressentir dans le corps.

C’est essayer d’expérimenter l’intérieur du corps, d’être stable; d’utiliser cette stabilité dans le corps comme un moyen de maîtriser, d’écouter, de recevoir et d’apprivoiser les émotions.

Il se peut que ceci ne semble pas constituer un remède, mais le fait de recevoir et de s’ouvrir, d’accueillir, a en soi un effet très bénéfique. Plus on accueille, plus on reçoit, et plus on va en profondeur. Vous accueillez quelqu’un, vous l’accueillez vraiment, vous l’intégrez profondément en vous, n’est-ce pas ? C’est là le sentiment de s’ouvrir, d’accueillir, d’inclure ce que cette personne provoque en vous.

Il s’agit seulement d’un exemple de quelque chose que nous faisons et savons déjà. Nous connaissons cette expérience. Que se passe-t-il, à vrai dire ? Quand on y réfléchit, c’est quelque chose en vous: vous êtes prêts à effacer les limites, les distinctions, à vous ouvrir et à recevoir quelque chose. C’est un vrai sentiment de confiance. Et quand on fait cette sorte de mouvement d’ouverture et d’accueil vers nos émotions, elles commencent à nous faire éprouver un sentiment de calme, d’amour et d’espace qui leur permet de relâcher leur détresse, leur agitation.

Donc nous ouvrons cet espace dans lequel quelque chose que nous appelons de manière très approximative des émotions, des schémas psychologiques, où ces expériences peuvent être ressenties.

L’image que l’on peut prendre, c’est comme d’accueillir quelqu’un à la porte, qui arrive de l’extérieur où il fait très froid, où il pleut, il est tremblant. Lorsqu’on l’accueille en lui disant : « Eh bien viens, entre ! », il tremble un moment, va être un peu nerveux pendant un instant et puis progressivement en continuant de l’accueillir, il va se calmer, se poser. C’est l’une des capacités que l’on apprend dans la méditation.

Les ressentis, les émotions, les schémas psychologiques que nous avons sont très présents et ils portent en eux une forte énergie. Si vous les gardez à l’esprit, ils ne vont pas se déposer et ils ne vont pas relâcher leur intensité, leur charge : l’esprit, qui est très vaste, n’a pas de localisation, pas d’ancrage, de base, il reflète simplement ce qui se manifeste. Si vous avez un souvenir ou un problème qui vous vient à l’esprit et que vous le gardez à l’esprit, cela crée toutes sortes de schémas émotionnels qui vont venir en résonance avec lui. Au niveau du corps, nous pouvons ressentir bien sûr cette énergie, mais en même temps il ne fait pas de commentaire, il ne va pas approuver ou désapprouver. C’est un peu comme la terre, le corps ne pense pas, n’a pas d’opinion, il ne dit pas : « Devrait ou ne devrait pas », il ne vous juge pas.

La référence corporelle ne détient pas la même dimension d’agitation que l’esprit. Cette énergie peut être prise en compte, elle peut même être ressentie mais en même temps cela permet que toute la charge, toute l’électricité qui est présente puisse petit à petit se déposer. Ce n’est pas négatif, c’est juste comme cela.

A partir de là, on peut commencer à comprendre et avoir une perspective sur nos expériences parce que justement il va y avoir suffisamment d’espace en même temps que suffisamment de stabilité et d’enracinement. On ne va pas être juste propulsé de part et d’autre.

L’habileté consiste tout d’abord à pouvoir ouvrir ce domaine intérieur corporel, parce que la plupart du temps c’est une zone qui est assez fermée, dans laquelle nous ne pénétrons pas très profondément. Donc nous nous ouvrons à cela pour amener pleinement l’esprit en ce lieu, nous essayons de faire en sorte que le corps et l’esprit puissent fonctionner ensemble.

Très souvent l’esprit sort du corps, et nous le ramenons à l’intérieur du corps. Cette expérience d’unification du corps et de l’esprit est ce que l’on appelle samadhi, la concentration, une unification de ces intérieurs.

C’est un talent que de pouvoir le faire, car cela demande soin, patience, attention, calme, et aussi de maintenir l’inclination à continuer de revenir toujours vers le domaine intérieur. Car les autres perceptions sensorielles cherchent à se projeter à l’extérieur, que ce soit les yeux, les oreilles, le nez ou la langue, elles essayent de se propulser à l’extérieur; tout comme d’ailleurs les pensées, notre esprit pensant.

Si le domaine intérieur ne semble pas très riche, très intéressant, à ce moment- là, immédiatement il va vouloir se projeter à l’extérieur.

Il y a la tentative de réduire cette impulsion, et de revenir encore et toujours à l’intérieur. Dans ce format de retraite, on profite du soutien mutuel des participants pour rester au niveau intérieur, connecter le corps et l’esprit.

L’esprit s’échappe dans des pensées du futur, du passé, en pensant à d’autres personnes, ou à soi-même.

En général, c’est toujours dans quatre directions : le futur, le passé, soi-même et les autres personnes. Autour de cela, il y a toutes sortes de détails ; à chaque fois que vous vous projetez ainsi dans le futur ou dans le passé, ou à propos de vous- même ou de quelqu’un d’autre, où est-ce que vous allez au juste ? C’est juste une pensée, en fait. Vous pensez à toutes sortes de choses désagréables par rapport aux gens : « Elle ne m’aime pas », etc.

Et si vous pensez à vous-mêmes, en général ce n’est pas si agréable que ça non plus : vous n’avez pas fait ce que vous auriez dû faire, vous pensez que vous êtes comme ceci, ou pas comme cela, avec de l’agitation.

Quand vous réalisez que les personnes ne sont pas comme vous croyez qu’elles étaient, c’est un véritable soulagement. Mais est-ce que ça ne pourrait pas être aussi un formidable soulagement de réaliser que vous-mêmes, vous n’êtes pas celui/celle que vous croyez être ?

Quant au futur, qui sait ce qu’il sera vraiment ?

Et le passé comme nous l’avons dit tout à l’heure, est-ce que nous étions ici il y a un an, deux ans, cinq ans ?

Je ne sais pas, et si vous étiez là aussi, sans doute en avez-vous un souvenir différent du mien.

Donc les quatre lieux auxquels on peut penser : le futur, le passé, soi-même ou les autres, eh bien ce sont simplement des zones de confusion.

Par conséquent nous essayons de restreindre la faculté de l’esprit à se propulser à l’extérieur pour créer ces choses. C’est le grand thème principal de la pratique spirituelle.

La concentration implique le fait de restreindre la propension à s’évader.

La qualité d’ouverture est également nécessaire et va pouvoir se développer grâce à des dimensions de bonté, de compassion et de bonne volonté. Ce sont des aspects importants de la pratique spirituelle que nous aurons la possibilité de mener ensemble, en y insistant.

Il est vraiment essentiel de pouvoir encourager le fait d’intérioriser les choses, de pouvoir vraiment s’établir à l’intérieur. Ce qui signifie qu’il nous faut reconnaître, prendre en compte, revenir sur la façon dont nous vivons, sur nos mécanismes. Cela, c’est grâce à la faculté de la sagesse.

La sagesse, fondamentalement, n’est pas une chose, c’est une action, une action d’approfondissement, une action de référencement, cela peut commencer avec la question : « Qu’est- ce qui est en train de se passer en moi, là, en ce moment ? Qu’est- ce qui se passe vraiment ? »

Posons la question à notre intériorité, regardons, ouvrons, mettons cela à plat. Est-ce que vous pouvez demeurer un temps avec cela ? Lorsque vous posez cette question, vous vous ouvrez, est-ce qu’ensuite vous pouvez maintenir la présence ?

Ce sont les deux questions initiales qui stimulent la sagesse. S’établir dans une pratique sûre et très stable, et ainsi lorsque l’on va rencontrer des émotions non résolues, des problèmes ou des peurs, au lieu d’immédiatement réagir nous allons avoir un temps de pause et nous dire : « Tiens, de quoi s’agit-il ? Qu’est- ce qui se passe, là ? »

C’est ce questionnement qui va permettre d’avoir une perspective sur ce qui est en train de se passer ; est-ce que vous pouvez ensuite vous maintenir là, rester présent à cela, en être témoin ?

Lorsque vous avez une expérience, si vous ne pouvez pas poser ces deux questions à ce moment-là, alors arrêtez et portez votre attention sur autre chose. C’est la sagesse qui supervise toute la qualité de la pratique : si je ne peux pas procéder à ce questionnement, c’est que j’ai perdu le contrôle et que je suis submergé. Si je ne peux pas me poser la question : « Quel est mon ressenti maintenant ? », cela signifie que je suis complètement impliqué dans ce ressenti.

Si je ne peux pas me poser la question de ce que je ressens par rapport à une pensée, ou quel est le ressenti en lien avec cette anxiété, cela signifie que l’anxiété détient vraiment à ce moment-là une emprise sur moi.

C’est ce qu’on appelle la pleine conscience (mindfulness), qui permet d’avoir un point d’ancrage, de mettre un point de référence par rapport à une expérience.

Sans la pleine conscience il n’y a pas moyen d’approfondir lorsqu’il y a contact avec l’émotion. Car on la suit, on part, on est projeté sur sa lancée, et il n’y a pas de possibilité de méditer ni d’approfondir. C’est la question qui consiste à se demander si l’on peut rester avec cela, être avec cela, qui nous établit dans plus de stabilité, de conscience et aussi de bienveillance.

La question qui vous demande si vous pouvez rester en contact avec cela, c’est ce qui vous invite à accueillir et à accepter. Si vous ne pouvez pas poser cette question, si elle n’a pas de sens, si vous ne pouvez pas arriver au stade où effectivement vous pouvez être là avec ce qui se passe, alors il est préférable de se focaliser sur autre chose. Car à nouveau, si l’on ne peut pas être présent, attentif, en contact conscient, à ce moment-là on est simplement en train de réactiver les mêmes schémas. Peut-être même vont-ils s’intensifier.

L’important, c’est de comprendre le point crucial que la méditation n’est pas une forme d’obsession : d’où l’importance de pouvoir se poser la question et de se dire : « Est-ce que je peux être en contact, est-ce que je peux maintenir ma présence, rester là en contact avec cela ? »

Sans cette capacité de se questionner, ça devient une obsession. Lorsque les qualités de sagesse, de bienveillance, d’ouverture et aussi de pouvoir se restreindre par rapport à nos attachements sont présentes, on agit profondément sur notre vie intérieure.

Voilà ce que j’aimerais vous encourager à faire pendant la période que nous allons passer ensemble.

Pour donner un cadre extérieur à cette retraite, tout d’abord il y a les huit préceptes, qui sont en lien avec le fait de se restreindre et également de ne pas interférer ou nuire aux autres.

Ensuite il y a le déroulement de la retraite ; on viendra se retrouver pour un temps ensemble ici, à cinq heures et demie le matin, jusqu’à sept heures pour un temps de pratique. Ensuite le petit déjeuner. Le déroulement de la journée sera affiché. Il vous laissera suffisamment de temps pour vous, pour les choses que vous avez à faire. Mais surtout suffisamment de temps de pratique pour que le cadre soit un soutien à cette pratique.

La forme du groupe est aussi quelque chose de très puissant parce qu’il y a là la nature même de notre intérieur : plus nous nous tournons vers l’extérieur, plus nous sommes dans la séparation, alors que plus nous allons nous établir à l’intérieur plus nous allons être dans l’unité.

Lorsque nous nous rassemblons ainsi et pratiquons ensemble, toutes nos intériorités peuvent s’unir et se renforcer, c’est ce qui nous permet de traverser toutes les zones délicates, difficiles, sensibles que nous avons à traverser. C’est pourquoi, pour pouvoir développer les qualités intérieures d’harmonie, d’unité, de sagesse, il est nécessaire que nous gardions l’apport extérieur dans le cadre le plus simple et dépouillé possible.

Un des aspects majeurs de toutes les retraites, quelles qu’elles soient, est ainsi de se restreindre d’entrer dans des conversations. Il peut y avoir un niveau de profondeur dans nos rencontres lorsque nous échangeons, mais là, nous allons essayer de nous établir encore plus profondément que ces niveaux et prendre note de ce qui est en train de se passer, comment cela génère quelque chose à l’intérieur de nous, d’attachement, de réaction ou de quoi que ce soit. Puis de rester en contact avec cela et de le laisser naturellement se dissoudre ; de la même façon que par rapport au contact que l’on peut établir avec soi-même, voir ce qui se passe, le prendre en compte et le laisser s’en aller naturellement.

De cette façon, l’unification de nos intériorités va se faire naturellement, plutôt que d’essayer de créer ou de provoquer quelque chose.

On va essayer aussi de limiter les interactions qui peuvent se passer si on partage la chambre avec une ou plusieurs personnes ; bien déterminer : « Voilà, là c’est ton espace », sans avoir besoin d’entrer dans toutes sortes de conversations à chaque fois par rapport au partage de l’espace de la chambre. Ce sont les contraintes dont on peut tirer avantage pendant ce temps de retraite, c’est un engagement du groupe d’appliquer cette forme de retraite.

Le premier précepte consiste à consciemment éviter de nuire ou de faire du mal à des êtres, que ce soit des êtres humains, y compris vous-même, ou des animaux ; donc d’éviter toute forme d’actes, de gestes violents.

Le deuxième précepte est d’être conscient de notre tendance à la convoitise, à être jaloux, envieux, peut-être même d’aller prendre ce qui n’est pas offert, de vivre bien avec ce qui vient à moi ; tout ce qui vient à moi je l’apprécie, et ce qui ne vient pas à moi, eh bien je le laisse. C’est un bel entraînement que d’entrer dans ce mode d’être, beaucoup plus paisible et doux.

Le troisième précepte c’est d’éviter toutes activités sexuelles avec d’autres ou avec soi-même. Nous faisons l’expérience de l’énergie de la sexualité, c’est un outil fondamental de la pratique du brahmacariya (« vie pure (chaste) ») qui fait que toute l’énergie sexuelle peut irradier dans tout le corps et provoquer clarté et chaleur plutôt que d’être déchargée. Donc vous vous engagez consciemment à tenir ce précepte pendant la durée de la retraite.

Vous vous engagez consciemment aussi à éviter toute mauvaise action avec la parole, qui consisterait à avoir des paroles dures envers quelqu’un, ou de la médisance ou du commérage. Toute l’énergie qui peut s’exprimer dans des mots va être adoucie et libérée de toutes formes de malveillance.

Le précepte suivant est d’éviter de consommer toutes formes d’intoxicants qui peuvent affecter la clarté de l’esprit, le rendre confus ; il s’agit de respecter la clarté de notre esprit.

Le suivant consiste à éviter de manger une fois que le repas de midi est passé. Ceci fait que nous allons pouvoir nous sentir plus léger dans le corps, ce qui est très favorable à la méditation ; ça permet d’éviter la lourdeur et la torpeur qui se manifestent avec le fait de manger de la nourriture, et donc d’avoir un esprit clair, vif.

Il s’agit également d’éviter toutes formes de loisirs, toutes formes de distractions, que ce soit la musique, la lecture, qui fait que notre esprit se projette dans ces distractions.

Le dernier aspect est d’éviter de se laisser aller à trop de sommeil. Bien sûr on a besoin de se reposer, le corps et les muscles ont besoin d’être au repos, mais en même temps, plus vous méditez plus vous vous rendez compte que l’esprit n’a pas besoin de dormir. En fait, il est important que l’esprit se réveille et ne s’endorme pas.

Les préceptes sont un contenant qui permet de restreindre la propension de nos sens à se propulser à l’extérieur. C’est ce qui nous permet d’approfondir notre expérience.

Pendant un petit moment, nous allons faire l’expérience de la méditation debout.

C’est une forme de méditation très simple, mais en fait la simplicité aide. En sentant le sol sous vos pieds, en sentant le ressenti de votre corps, donc en entrant dans l’expérience corporelle, ce que vous travaillez là est de commencer à restreindre ou à lâcher les limites ou les crispations, les tensions de votre corps, de façon à ce que celui-ci devienne plus unifié. En se posant la question : « Comment est-ce que je sais que j’ai un corps ? », différentes sensations peuvent se manifester dans la zone des épaules, ou peut-être des sensations dans la zone de l’abdomen ou encore au niveau des genoux, des chevilles. Nous tendons à créer une sorte de canal qui fait que ces différentes zones petit à petit peuvent être unifiées, et nous faisons cela tout d’abord en ayant une expérience de nos pieds en contact avec le sol.

Le contact avec le sol est très important. En relâchant la tension qui peut être dans les genoux, en lâchant tout ce qui peut s’opposer au fait que le poids de votre corps est soutenu par vos pieds. Car le poids est soutenu par vos pieds et non par les genoux ou les hanches ou les épaules ; la seule partie de votre corps qui soit en contact avec le sol, ce sont vos pieds. Par conséquent nous voulons que ce soit le sol qui nous soutienne, pas les tensions de notre corps.

On détend les genoux et on arrive à la région du pelvis, du bassin, vous sentez ce qui se passe au niveau du bas-ventre et également au niveau des muscles du bas du dos, vous sentez si toutes ces zones peuvent être un peu plus détendues, puis vous arrivez au niveau du plexus solaire. Egalement vous sentez toute la zone du diaphragme entre le ventre et la poitrine. Nous faisons cela en respirant par le ventre, donc par une respiration abdominale où nous sentons le ventre se gonfler, ce qui permet de libérer la poitrine, la cage thoracique.

Vous laissez le ventre effectuer la respiration tandis que la poitrine est détendue, passive, réceptive. Mais nous continuons de monter dans notre corps, dans la zone thoracique, la zone de la poitrine que nous pouvons ressentir comme un tonneau, nous sentons toute cette zone, que ce soit la face antérieure, que ce soit sous les bras, au niveau des aisselles, que ce soit dans le dos, en laissant plein d’espace dans toute cette zone.

Ainsi vous pouvez sentir au niveau de votre thorax, de vos épaules qu’ils peuvent être en expansion, donc très bas, très larges. Rien ne bloque vos bras, il n’y a pas de contractions, de tensions dans votre corps. Nous continuons à monter dans le corps. On peut rester beaucoup plus longtemps dans chacune de ces zones, mais je les aborde très légèrement pour l’instant.

Nous arrivons dans la partie supérieure de la poitrine, juste à la base de la gorge, toute la zone située entre les deux épaules et de la partie supérieure du bras. Vous pouvez sentir aussi que vous ouvrez toute cette zone, un peu comme si vous déboutonniez une chemise ou enleviez une écharpe autour du cou.

Vous pouvez élargir toute cette zone et puis vous arrivez au niveau de votre cou en arrière-plan du larynx. Vous pouvez sortir la voix, comme si au lieu de former des mots tout ce que vous puissiez faire soit de soupirer ou de faire un bourdonnement. De la même façon, vous ouvrez cette zone de la gorge de façon à ce que l’air puisse s’y déplacer sans aucune contraction, empêchement, restriction. Puis au niveau de la bouche, vous pouvez sentir la base de la bouche dans laquelle repose la langue.

Vous arrivez au niveau du nez, des narines, des sinus et des cavités nasales avec là aussi un sentiment d’ouverture. Un petit peu comme si toute cette zone était bloquée, bouchée, que vous ayez un rhume par exemple, et à ce moment-là, soulagement, vous pouvez sentir et dégager toute la zone.

En arrivant aux yeux, on perçoit les globes oculaires qui sont posés légèrement, qui flottent en quelque sorte à l’intérieur des orbites plutôt que d’être crispés, tendus. Au niveau du front et des sourcils également, on peut sentir un relâchement, un peu comme si on enlevait un bandeau du front.

Vous sentez si vous pouvez vous maintenir ainsi dans une de ces zones mais tout en travaillant de la sorte et quoi que vous contribuiez à ouvrir et à élargir, ne perdez pas le sens d’ancrage des pieds dans le sol, parce que c’est ce qui va donner le ressenti d’enracinement, de stabilité et d’équilibre. C’est ce qui fait que toutes les autres zones vont pouvoir s’ouvrir naturellement, facilement.

Dans ce processus d’ouverture, de soulagement, il se peut que se manifestent des ressentis d’incertitude, de confusion, d’agitation. C’est pourquoi il est important de toujours garder présent le ressenti d’ancrage, d’enracinement et d’équilibre, pour encourager l’ouverture du canal central qui permet de procéder à l’unification du corps.

Vous pouvez continuer ainsi avec cette forme parce que l’ouverture ne va pas s’effectuer immédiatement, mais vous pouvez en avoir l’idée.

Un autre aspect que vous pouvez explorer, c’est de venir vous situer à la limite de votre peau, à la périphérie de votre peau. Qu’est-ce qui vous donne le sentiment d’une frontière, d’une limite ? La frontière de notre corps, la limite physique de là où nous nous trouvons, est-ce que nous en avons une expérience agréable, est-ce que c’est chaud, est-ce que ça picote, est-ce que c’est tendu ?

Vous pouvez sentir la face externe des mains, le dessus des mains, et tout ce que l’on appelle les surfaces dures, le dessus des mains, le dessus et la partie externe des bras, le dos. Ils nous donnent le sentiment de quelque chose qui est enveloppé, mis en boîte. Puis nous pouvons faire l’expérience des surfaces tendres de notre corps, les paumes des mains, le visage, la partie antérieure du torse, définir si ces ressentis, ces zones nous procurent un sentiment de sécurité, de chaleur, et comment nous l’accueillons.

Pour finir la méditation de ce soir, nous pouvons juste effectuer une rotation du corps à partir des hanches, en sentant que l’axe central ne bouge pas, mais que le corps tourne autour de cet axe. Nous pouvons ressentir le contact de la peau avec l’air qui nous entoure, l’environnement autour de nous.

Il est beau de sentir que l’espace autour de nous est libre de toute obstruction, de toute intrusion. Nous pouvons nous poser cette question : « Qu’est-ce qui se passe, comment est-ce que je me trouve avec cela, qu’est-ce que je ressens ? ». Il n’y a pas besoin de trouver de réponse, il suffit simplement de maintenir ce sentiment d’ouverture et d’intérêt.

Vous pouvez sentir peut- être que le corps, d’une certaine façon, s’exprime lui-même.

Les trois aspects importants ; tout d’abord de trouver son centre, l’axe central qui nous permet de nous connecter, de nous ancrer au sol. Ensuite, de rencontrer les limites physiques de notre corps, et à partir de là, rencontrer l’espace autour de nous de façon très calme et paisible.

Ce sont des points de référence avec lesquels vous pouvez demeurer, que vous soyez debout, en train de marcher, ou assis. Expérimenter cela, sentir s’il y a quoi que ce soit qui fait obstruction et si cette obstruction peut être relâchée, détendue, donc sentir le centre et l’espace.

Nous clôturons cette cession de groupe ce soir et vous allez pouvoir aller reposer votre corps. Nous nous retrouverons demain matin.  

Le refuge