Au départ, nous devons développer une certaine expérience de travail avec les obstacles en utilisant les méthodes et les techniques de base, mais il y a ensuite des circonstances où nous devons être créatifs face à un type d’obstacle qui nous est propre. Comme le disait Ajahn Tongrat, l’un des enseignants d’Ajahn Chah : « Si les obstacles arrivent par en bas, saute ! S’ils arrivent par en haut, baisse la tête ! »
Dans la tradition thaïlandaise de la forêt, les maîtres conseillent souvent d’utiliser des « moyens habiles » (upaya en pāli) pour s’aider dans la pratique de la méditation. La recommandation d’Ajahn Chah était : « Si ce moyen fonctionne pour vous, utilisez-le ! » Bien entendu, cela implique que nous l’ayons activement testé pour voir s’il donne vraiment des résultats ou pas. Par ailleurs, il arrive qu’une technique fonctionne seulement pendant un certain temps parce que l’ego est très doué pour s’approprier tout ce qui peut le préserver et le renforcer. Nous devons donc toujours avoir une longueur d’avance sur lui pour saper ses tentatives de récupérer tout moyen habile qui menacerait son existence.
Le Bouddha nous a donné de nombreux outils, profonds et bénéfiques, pour travailler avec l’esprit et toutes ses activités, mais il faut parfois les « personnaliser » ou les adapter à notre propre environnement mental. Même si, de manière générale, tous les êtres humains ont un esprit et des états d’esprit similaires, à un niveau plus subtil, nous avons une configuration mentale absolument unique. Nous sommes les seuls à pouvoir vraiment connaître notre propre esprit, nous sommes donc les seuls à vraiment savoir comment travailler sur lui.
Tandis que nous utilisons les nombreux moyens habiles hérités du Bouddha et des autres maîtres ainsi que ceux qui nous sont propres, il est très important de se souvenir qu’il ne faut pas les utiliser uniquement comme antidotes aux obstacles. Le réel sens de la pratique spirituelle est de lâcher la saisie du « moi » qui s’exprime à travers les obstacles, et pas seulement de les contrecarrer.
Il est certain qu’au début, il faudra que leurs effets soient un peu affaiblis pour atteindre le degré de calme et de clarté nécessaire pour les étudier minutieusement. Cependant, les obstacles sont des symptômes de saisie, d’ignorance et d’avidité, et pour guérir de ces poisons nous avons besoin de la médecine holistique de la sagesse et du renoncement plutôt que d’un simple soulagement temporaire des symptômes.
Les moyens habiles servent à investiguer les obstacles de façon à les connaître à fond, savoir quelle est la cause qui les engendre, comment ils peuvent cesser et comment ils peuvent disparaître définitivement. Le seul véritable antidote est l’éveil à la nature ultime de la réalité telle qu’elle est vraiment.
Source du texte Dhamma de la forêt