Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.
À d’autres moments, la morosité peut s’installer du fait d’attentes que nous avions et qui n’ont pas été satisfaites.
Certaines personnes commencent une pratique spirituelle à cause de fausses promesses. Je me souviens qu’un jour quelqu’un a demandé : « Quand vais-je pouvoir léviter ? » Je suis sûr que nous avons tous une forme d’attente ou une autre et, quand nous finissons par comprendre qu’elle ne va pas se réaliser, nous risquons d’être désillusionnés : « Cette pratique ne fonctionne pas comme elle le devrait / comme le disent les livres. »
Le désenchantement fait que notre énergie diminue ou se dissipe ; c’est alors que la léthargie spirituelle s’installe.
Si nous ne reconnaissons pas ce processus et ne réévaluons pas nos attentes, nous risquons de sombrer dans le désespoir.
Fait intéressant, il y a de nombreuses années en Thaïlande, un psychologue a conduit une étude sur plusieurs moines. Il avait lui-même été moine pendant quelque temps auprès d’Ajahn Chah et avait décidé de faire quelques tests psychologiques sur les moines occidentaux.
C’est ainsi que j’ai rempli un jour l’Inventaire des Personnalités Multiphasiques du Minnesota. Il était censé nous donner une série de tests sur une période donnée pour voir si nous progressions (ou régressions) dans le développement de la personnalité, je pense.
Il n’a jamais terminé sa recherche mais l’un des résultats obtenus a été la découverte que, plus les personnes qui venaient en Thaïlande avaient une idée précise de ce qu’elles voulaient obtenir, plus vite elles repartaient.
Les moines ou les nonnes qui sont restés le plus longtemps sont ceux qui sont venus en Thaïlande avec l’idée que ce serait seulement un séjour provisoire : «Je vais rester un mois ou deux et puis je verrai. »
En général, ils prolongeaient de deux mois, puis encore deux mois, et vingt ans passaient !
On aurait pu penser que ce serait l’inverse ; on aurait pu s’attendre à ce que ceux qui étaient décidés à rester moines le reste de leur vie auraient tenu le plus longtemps, tandis que ceux qui venaient juste passer deux mois pour méditer au chaud en Thaïlande pendant l’hiver canadien seraient partis plus tôt.
Mais l’étude a prouvé le contraire, la raison étant que ceux qui avaient des plans à court terme pouvaient revoir leurs plans en fonction de l’évolution de leur pratique.
Ils pouvaient se demander : « Est-ce que ça marche ? Est-ce que ça me fait du bien ? Oui, on dirait que ça va, alors je vais rester encore deux mois. »
Tandis que ceux qui avaient des attentes bien précises, une fois confrontés à toutes les différences culturelles de la Thaïlande, trouvaient que la réalité ne correspondait pas à leurs attentes.
J’ai entendu parler d’un homme de Chicago qui avait prévu d’aller en Thaïlande et de devenir un saint moine pour toujours. Il a pris l’avion et deux semaines plus tard, il était de retour : les chiens de Thaïlande étaient trop bruyants ! Il n’a jamais imaginé que les chiens puissent aboyer toute la nuit à Bangkok. Il pensait aller en Thaïlande dans un temple bouddhiste paisible où tout le monde était pacifique et bouddhiste, mais les chiens aboyaient toute la nuit et avaient failli le rendre fou.
Je me suis dit que Chicago ne devait pas être tellement calme non plus mais bon, je suppose qu’il s’était habitué aux claquements métalliques du train de la Chicago Transit Authority qui traverse la ville à toute heure, mais où les chiens n’aboient pas.
Quelqu’un d’autre est venu en Thaïlande sans imaginer tous les moustiques et les insectes qu’il allait y trouver. Cela l’a vraiment choqué. Il venait d’Angleterre, où il n’y a presque pas d’insectes gênants, hormis quelques mouches peut-être.
En Thaïlande, on doit apprendre à vivre avec des moustiques et des fourmis qui se nourrissent de notre sang. Le fait est que si nous avons des attentes très précises, il est difficile de changer, de s’accoutumer, de s’adapter aux situations de la vie.
Lorsque nos attentes ne sont pas satisfaites, cela peut engendrer désillusion, léthargie, voire même désespoir. Cela peut également déclencher d’autres obstacles tels que l’inquiétude et le doute.
Source du texte Dhamma de la forêt