Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.
Étant donné que l’une des principales causes du doute est une confiance excessive dans la pensée en termes de concepts et d’idées, il est très utile de développer une attention accrue au processus de la pensée pour faire la différence entre les moments où nous poursuivons des concepts et ceux où nous vivons les choses directement.
Le Bouddha a utilisé la « pensée réflexive » ou « pensée contemplative » pour parvenir à étudier la nature de la réalité. Mais cette pensée reposait sur une concentration hautement développée et stable (qui réduit et même élimine temporairement la pensée discursive), afin de pénétrer au-delà du domaine des concepts qui soutiennent le « moi » pour atteindre la vérité impersonnelle, aboutissant ainsi à la réalisation directe (bhāvanā-mayā-paññā).
Dans le processus de résolution du doute, il est utile de distinguer quel mode de compréhension résoudra quelle forme particulière de doute.
Certains doutes peuvent être résolus grâce à une réflexion sage, d’autres par l’étude, tandis que d’autres nécessitent un développement plus approfondi de la méditation.
De nos jours, il y a beaucoup d’informations disponibles, parfois trop.
Je me suis amusé à faire une recherche « méditation bouddhiste » sur Internet.
Résultat : 12,3 millions d’entrées. Là, j’ai vraiment eu des doutes quant à celle qui serait la bonne. La première réponse, tout en haut était celle de Wikipedia. La seconde était très bien tournée et le nom de l’auteur n’apparaissait que tout en bas de l’article – une fois qu’on l’avait lu en entier. À ce moment-là, j’ai eu encore plus de doutes, car je savais que ce texte émanait d’une organisation assez controversée.
Ainsi, quand on essaie de trouver des réponses à une question, de nombreuses autres questions peuvent être soulevées – c’est exactement ce qui se passe lorsque l’on travaille sur le doute et que l’on se retrouve à ôter une couche de doute l’une après l’autre.
Par contre, avec l’expérience, on peut espérer que le discernement s’est développé et que l’on est devenu capable de faire la différence entre information et propagande.
Un principe utile consiste à se rapprocher le plus possible de la source d’origine, par exemple en consultant directement les Écritures bouddhistes ou en consultant quelqu’un qui en a une expérience personnelle.
Parfois, la tradition de la méditation semble suggérer qu’il vaut mieux éviter les livres ou la réflexion intellectuelle.
Certaines personnes se disent : « Non, je ne vais pas lire, je vais juste rester assis et méditer. » Comme ils pensent que la méditation est le contraire de l’activité mentale, ils ne veulent pas polluer leur pratique spirituelle avec la pensée discursive mais ils sont de plus en plus perdus, de plus en plus paralysés par le doute.
Certaines personnes disent : « Il faut que je résolve cela tout seul, personne ne peut répondre à cette question pour moi, je dois trouver la vérité en moi » – et c’est vrai dans une certaine mesure. Cependant, on élimine ainsi la possibilité d’être efficacement orienté.
Si nous nous sentons vraiment perdus, la solution consiste à clarifier les choses, et il existe de nombreuses façons de le faire : informations, conseils, suggestions. Regardez autour de vous et voyez ce qui est disponible.
Même si cela ne répond pas directement au problème, vous aurez au moins une nouvelle ouverture pour travailler avec la confusion de manière plus flexible.
Finalement, le doute peut devenir une occasion d’approfondissement et être beaucoup plus enrichissant qu’éviter tous les doutes en recherchant une réponse facilement satisfaisante.
En effet, dans ce dernier cas, le résultat risque d’être un conglomérat de clichés spirituels dont on s’approprie, de sagesse empruntée et de philosophie réconfortante qui ne pose jamais la question fondamentale :
« Qui pose la question ?
Qui cherche la vérité ?
Qui est celui qui sait cela ? »
Les réponses faciles asphyxient la quête spirituelle.
Source du texte Dhamma de la forêt