Le don du Dhamma surpasse tous les autres dons

La générosité est le premier pilier de la pratique bouddhiste. Extérieurement, les gens donnent, ils font des offrandes mais, sur le plan ultime, cet acte se fonde sur l’abandon du « moi », sur le lâcher-prise de l’identification à un « moi ». Cela commence sur un plan concret en faisant des gestes comme donner des choses dont on pourrait penser qu’elles nous appartiennent personnellement : ma nourriture, mes possessions ou mon argent. Mais, derrière ces actes, il y a un début d’abandon de soi. Cela permet de créer une générosité, une ouverture, une libération du cœur, une annulation de l’identification à un « moi ». Grâce à la générosité, nous apprenons comment lâcher prise. Il s’agit là d’une pratique particulièrement cruciale à notre époque où l’on accorde tant d’importance au fait d’obtenir, de gagner, d’atteindre et de posséder – toute chose qui tourne autour du « moi ». Les personnes généreuses sont moins préoccupées d’elles-mêmes et, de ce fait, montrent davantage d’empathie et de réceptivité aux besoins des autres. Elles sont généralement plus amicales et hospitalières mais aussi plus sûres d’elles, faciles à vivre et détendues. Le Bouddha a déclaré que certaines de ces qualités sont les bienfaits de la générosité (A.III,39 ; IV,79) et elles sont toutes très favorables à la pratique spirituelle.
La générosité est une attitude particulièrement importante lorsqu’on travaille sur les obstacles. On est déjà obligé d’abandonner pas mal d’orgueil simplement pour admettre que l’on est entravé par un ou plusieurs de ces obstacles. Il faut de l’humilité pour reconnaître sa propre avidité, sa négativité, sa léthargie, son remords ou sa perplexité. Mais si le cœur est généreux, on est en mesure de s’ouvrir à ces aspects du « moi ». Ces aspects peu séduisants de notre être que sont la fierté et la vanité s’attachent à une image idéale de soi et refusent d’accepter la réalité : « Non, non, je ne suis pas comme cela. Ce n’est pas ainsi que je suis. » D’habitude nous aimons nous attacher à notre « moi idéal » mais, avec une générosité bien pratiquée, nous pouvons lâcher cette vision figée de soi et reconnaître peut-être l’existence d’un autre « moi » un peu moins merveilleux.
Il faut une pratique bien ancrée de la générosité pour avoir accès aux obstacles et aussi pour être capable de les abandonner, de s’en libérer et de les lâcher complètement. Certains individus commencent à méditer et puis tombent dans la somnolence ; et si on leur dit qu’ils dodelinent de la tête, ils le nient vertement : « Moi, somnoler ? Vous plaisantez ! Que moi j’aie un obstacle ? Je suis un méditant ! » Et même si vous insistez en disant : « Mais je vous ai vu dodeliner de la tête », ils répondent : « Non, non, ce n’était pas moi. » Ils manquent tout simplement de cette générosité de cœur qui permet de s’ouvrir à ses propres limites. Ces obstacles font intimement partie de nous, ils sont l’expression de certains de nos aspects les moins agréables, mais c’est ainsi que le « moi » s’exprime. Or le « moi » tient fermement à ce que nous continuions à nous identifier ainsi ; c’est sa façon de se préserver. Donc, le fait d’être davantage ancrés dans la générosité apporte plus d’ouverture de cœur et nous permet d’accéder à ces aspects cachés de nous-mêmes qui sont moins merveilleux que nous le voudrions.

Source du texte   Dhamma de la forêt