Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.
Parmi tous les plaisirs des sens, le plaisir sexuel est le plus puissant et le plus complexe. Il est complexe dans la mesure où il implique souvent tous les sens à la fois de diverses manières mais aussi parce qu’il a un aspect biologique. Le désir de plaisir sexuel est typiquement celui qui cause le plus de problèmes à la plupart des gens tout au long de leur vie ou presque. D’ailleurs, le thème de méditation recommandé pour traiter le désir des sens est spécifiquement destiné à affronter le désir sexuel.
La sexualité est probablement le comportement humain le plus compliqué et le plus controversé. Sa fonction biologique de procréation a été supplantée par le désir du plaisir que l’on peut éprouver dans les relations sexuelles. Elle est aussi inextricablement liée à de nombreux problèmes comme l’identité, la valeur personnelle, la force, l’amour, etc.
Quand on ajoute cela aux innombrables images et opinions socioculturelles qui sont véhiculées sur le rôle de la sexualité dans la santé psychologique et spirituelle, il est évident qu’il s’agit d’un sujet très délicat.
Dans certaines traditions religieuses contemplatives, il est considéré que s’abstenir d’activité sexuelle est nécessaire pour canaliser toute son énergie dans la pratique spirituelle. Dans un célèbre discours, le Bouddha réprimande sévèrement un moine qui soutenait que se livrer aux plaisirs des sens (ici sexuels) n’est pas un obstacle à la vie spirituelle (M. sutta 22). Par opposition à une vie de sensualité, le Bouddha encourageait le principe du renoncement (nekkhamma), c’est-à-dire une attitude foncièrement différente de celle qui se vit dans le monde.
Sans trop simplifier les choses, on peut dire que l’individu moyen aspire généralement à trouver le bonheur dans les plaisirs des sens. Le « renonçant », quant à lui, accepte de se priver de ce bonheur « ordinaire » pour pouvoir vivre un bonheur spirituel et finir par se libérer complètement de l’avidité et de l’attachement au monde des sens. Plus précisément, cela signifie renoncer aux plaisirs du sexe et mener une vie de célibat. Cet engagement permet non seulement de faciliter le lâcher-prise de l’attirance pour les plaisirs sensoriels temporaires mais aussi d’éviter les complications de la vie de famille où il faut subvenir aux besoins d’un conjoint et peut-être aussi d’enfants. Contrairement aux besoins naturels de nourriture et de sommeil qui, s’ils ne sont pas satisfaits, provoquent la mort, satisfaire au désir sexuel n’est pas obligatoire. Nous recevons une bonne leçon d’humilité quand nous reconnaissons qu’une grande partie de notre désir sexuel et toutes les attitudes qui l’accompagnent ne sont que des réactions à des hormones qui circulent dans le sang, étant donné que la sexualité a une très forte composante biologique.
Dans un de ses discours, le Bouddha explique la dynamique qui cause l’attirance sexuelle (A.IV,57). Femmes et hommes pensent à leur propre féminité ou masculinité et à leurs divers attributs. Cela les excite et leur fait plaisir. Ensuite, ils pensent au sexe opposé et à ses divers attributs.
Cela les stimule et leur procure du plaisir. Ainsi stimulés, ils cherchent à s’unir au sexe opposé et deviennent ainsi incapables de transcender leur féminité ou leur masculinité. Par contre, si on ne se délecte pas de son propre genre, on peut se détacher du genre opposé et transcender complètement son identité à un genre ou un autre et, en même temps, diminuer le désir sexuel. J’ai rencontré un jour une femme cambodgienne qui avait pratiqué activement la méditation sur les aspects peu séduisants du corps et qui s’est exclamée joyeusement qu’elle était libérée de son état de femme.
Source du texte Dhamma de la forêt