Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.
Le thème du désir est très délicat, surtout du fait qu’il s’agit d’une énergie plutôt que d’un objet en soi. En réalité, sur le plan moral, le désir est neutre ; il est simplement coloré par l’objet désiré.
Il peut avoir une connotation négative comme par exemple dans ce contexte en tant que désir de plaisir sensoriel. Mais le mot chanda est également utilisé positivement, par exemple dans les facteurs qui développent les pouvoirs psychiques (iddhipāda). C’est aussi le désir qui nous amène à la pratique spirituelle ou à nous intéresser à un travail sur les obstacles. Le désir est simplement le chauffeur qui va là où le passager lui demande d’aller.
Pour avoir une connaissance directe du désir, on peut essayer l’exercice suivant : passer en revue chacun des sens et voir si une réaction de désir apparaît : on regarde, on écoute, on sent, on goûte, on touche et on pense.
J’ai fait cet exercice en étant assis en méditation et j’ai constaté qu’il y avait sans cesse un désir ou un autre qui apparaissait puis passait. C’était comme si le désir était constamment en moi – enfin, pas tout le temps parce qu’il m’arrive de dormir tout de même… mais à ce moment-là je désire encore un oreiller bien moelleux et un bon sommeil ! Il semble bien qu’il y ait continuellement beaucoup de désirs mais à des degrés différents. La plupart des désirs que j’avais n’étaient pas vraiment dérangeants. La posture assise n’était pas trop confortable, de sorte que j’étais un peu déconcentré par le désir de prendre une posture plus commode, surtout quand ma jambe a commencé à s’engourdir. Il y a eu ensuite quelques pensées distrayantes mais pas trop. Je percevais l’odeur de l’encens mais je ne voyais rien puisque mes yeux étaient fermés. Des sons ? Oui mais rien de très important. Des saveurs ? Non, j’avais déjà mangé des bonbons ! Et pourtant, en général, il y a une sorte de désir qui a des formes et des degrés différents et qui apparaît à la confluence des ressentis physiques et des pensées.
Les désirs ont assez de force pour nous déconcentrer et nous distraire ; ils nous attirent, nous font tourner la tête et puis ils nous anéantissent.
Mais il y a aussi le désir positif : le fait de vouloir, de désirer, d’avoir l’intention de faire quelque chose de bénéfique, de bon ou de positif. Pendant ma méditation, il y avait aussi le désir de reporter l’attention sur la respiration. Il y avait le désir d’une posture assise confortable pour que l’esprit puisse se poser. Alors, que contiennent vos désirs ?
Pour certains, c’est la recherche d’un plaisir sensoriel ; ils souhaitent que leur désir de plaisir sensoriel soit parfaitement accompli ou satisfait. C’est peut-être leur principal but dans la vie. Le désir peut aussi être dirigé vers une pratique spirituelle. Le désir de plaisir sensoriel s’appelle kāma chanda tandis que le désir d’une pratique spirituelle est dhamma chanda. C’est encore un désir et on le décrit avec le même mot, chanda, mais l’objet de ce désir est tout à fait différent ; c’est un désir de Dhamma, de pratique spirituelle.
Nous pourrions dire que certaines formes de désirs sont intrinsèques à la vie : nous avons tous le désir d’exister et nous en avons besoin pour vivre. Mais le désir (chanda en tant qu’intention ou volonté) est aussi un aspect crucial de notre sentiment d’être une personne, qui est à l’origine d’actions (kamma) plus ou moins judicieuses.
C’est une étape d’un continuum de processus énergétiques qui commence avec le fait d’apprécier quelque chose, devient désir puis, si celui-ci gagne en force, arrive à devenir passion (rāga) et soif ou avidité (tanhā). Le désir demeure en nous, sous une forme ou une autre, jusqu’à l’éveil ultime puisque deux des cinq dernières entraves (samyojana) sont la soif d’existence matérielle et d’existence immatérielle (rūpa et arūpa rāga). Lorsque les choses sont vues telles qu’elles sont réellement par l’être éveillé, le désir cesse car il comprend que les objets de désir sont intrinsèquement impermanents, insatisfaisants et impersonnels.
Il est donc très important de devenir davantage conscient de la nature réelle de cette force du désir et de sa relation aux objets potentiels de désir.
Dans le contexte des Cinq Obstacles, le désir des sens est un « obstacle » dans la mesure où il provoque des perturbations ou des distractions au moment où nous essayons de focaliser notre attention sur la respiration ou de contempler et d’investiguer le Dhamma. Nous avons le « désir » – chanda – l’intérêt et l’intention de pratiquer le Dhamma mais les désirs sensoriels interviennent et nous en éloignent, de sorte que les différents désirs se confondent.
Source du texte Dhamma de la forêt