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Cause (de la négativité)

Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.

La négativité – qui remplace le terme habituel de « répulsion » (patigha) – était considérée par le Bouddha comme l’une des tendances sous-jacentes que l’on trouve même chez les nouveau-nés (M.1,433).

Il est dit que ce qui génère l’apparition et l’accroissement de la négativité [et de l’aversion] (A.I,201), c’est une attention inappropriée à « une image inspirant la répulsion » (S.V,65).

Est considérée comme « répugnante » toute impression sensorielle qui occasionne un ressenti désagréable (S.IV,208). Ainsi, fondamentalement, la cause de la négativité est l’expérience de sensations désagréables ou douloureuses sur le plan physique ou mental.

Comme l’être non éveillé est incapable de porter une attention juste ou sage aux ressentis douloureux, il ressent deux sortes de douleurs : l’une physique et l’autre mentale ou émotionnelle (S.IV,208).

C’est- à-dire qu’il y a d’abord une douleur et ensuite une souffrance émotionnelle due à la résistance à la douleur initiale, au ressentiment et au rejet de celle-ci (et peut-être même une autre douleur encore quand on se sent coupable de se sentir négatif ou que l’on se débat pour se libérer de ce ressenti désagréable).

Ainsi, la négativité est un symptôme – le « moi » est blessé, il ressent de la douleur (réelle ou imaginaire) – et elle n’est généralement qu’un facteur dans une séquence causale.

La dynamique énergétique a deux aspects. D’abord, il y a un recul ou une contraction face au ressenti désagréable. Nous sommes sur la défensive et nous nous contractons, nous nous replions vers l’intérieur physiquement, émotionnellement et psychiquement.

Il s’agit là, du moins en partie, d’une réponse instinctive à une situation perçue comme une menace, comme on peut le voir dans le complexe de paralysie extrême chez les victimes de traumatismes.

Certaines personnes restent bloquées dans cet état engourdi qui les vide de toute énergie (il faut beaucoup d’énergie pour maintenir la contraction) et il semble que rien ne se soit produit.

Cependant, si le stimulus persiste, la plupart des gens sont propulsés vers une réaction de rejet ou de recul pour essayer d’y échapper.

Certaines personnes peuvent rester dans l’état de contraction et d’enfermement pendant quelque temps (peut-être accompagné d’un ressentiment latent) jusqu’au jour où tout explose – on dit alors que les gens « sortent de leurs’gonds » ou « explosent de colère ».

C’est ainsi que l’on considère généralement la négativité, comme une explosion de colère ou un étalage de fureur, alors qu’en réalité, il s’agit de cette énergie contractée qui cherche à s’évacuer.

Bien entendu, les êtres non éveillés croient que la source de ce problème est extérieure à eux : « Tu m’énerves » plutôt que : « Quand tu parles ainsi, cela déclenche en moi de la colère. »

Il y a souvent une relation causale complexe en jeu et celle-ci est très difficile à déchiffrer : quel est ce déclencheur qui est activé d’une manière ou d’une autre ?

La plupart des choses que nous appelons « douleurs » sont en réalité de vieilles habitudes de contraction ou de résistance face à de possibles blessures basées sur des expériences passées.

Notre tendance à la négativité a une longue mémoire qui exagère l’intensité et les effets de la douleur tout en nous prédisposant à être anxieusement vigilants en cas de douleur future.

Il est important d’en prendre conscience parce que, si nous ne retournons pas à la source, nous n’allons jamais vraiment réussir à nous libérer de cet obstacle. Naturellement, il est indispensable d’avoir un bon degré de patience et de persévérance pour dénouer la contraction habituelle de douleur sur laquelle repose la négativité car cela va à l’encontre de tous les conditionnements de l’ego que nous avons cultivés tout au long de notre vie.

La négativité est souvent bloquée dans un « circuit d’aversion » qui engendre toute une palette de réactions négatives d’intensité variable. Il y a une réaction négative aux ressentis désagréables, envers la contraction qui en résulte et envers ce qui semble être la cause de la contraction.

Ensuite il y a de la négativité face à l’expérience de la négativité car celle-ci est également désagréable. Il est possible aussi que la culpabilité apparaisse : on se sent coupable d’être négatif, ce qui est déplaisant et engendre encore plus de négativité.

Ainsi la prolifération de la négativité risque de devenir incontrôlable et, avant même de nous en rendre compte, nous sommes dans une rage folle qui a peut-être été déclenchée par un incident minime.

Malheureusement cela se termine très souvent par une explosion de blâme ou de haine à l’encontre d’une chose, d’une personne, d’un groupe, d’une idéologie, etc. que l’on va ensuite chercher à éloigner, éliminer ou exterminer, alors qu’en réalité la cause originelle est notre incapacité à comprendre la nature des ressentis désagréables et la réaction de négativité qu’ils provoquent en nous.

On pourrait croire que décharger l’énergie perturbatrice de notre négativité sur quelqu’un ou quelque chose va procurer un soulagement mais c’est notre première erreur car avec une telle attitude, nous nions toute responsabilité : « Ce n’est pas ma faute ; c’est forcément leur faute. » (Malheureusement, le soulagement que l’on ressent en se déchargeant de l’énergie négative est souvent considéré comme une preuve que la source du problème est effectivement extérieure.)

Mais en réagissant ainsi nous n’arrivons jamais à la cause racine qui est en nous.

La seconde raison est que, comme il nous est difficile de nous relier avec justesse à cette énergie volatile de négativité, nous avons tendance à la conceptualiser et à lui trouver une excuse. C’est de là que naît la fameuse « juste colère » : « Ils m’ont fait du mal, je dois prendre ma revanche » ou « Ils l’ont bien mérité », ou encore « Je dois faire en sorte que la loi du karma soit bien appliquée » – cela, c’est la juste colère « bouddhiste », une négativité recouverte d’une petite couche de soi-disant vertu !

Toutefois, si nous acceptons la responsabilité de notre réaction négative, que nous ne la déplaçons pas, que nous ne la conceptualisons pas, avec le soutien de l’attention et de la concentration nous pourrons peut-être nous connecter à cette puissante énergie.

Il y a beaucoup d’énergie emprisonnée dans la contraction douloureuse.

Cette explosion imminente peut être récupérée pour devenir une source d’énergie potentielle que l’on utilisera dans la vie de tous les jours et dans la pratique spirituelle.

En outre, comme la négativité est une stratégie de survie du « moi », si nous pouvons remonter à la source de ce syndrome de réaction, nous arriverons au cœur de la création du « moi » (ahamkara).

Source du texte   Dhamma de la forêt