Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.
Dans les instructions du Bouddha pour développer l’attention, il est demandé d’être conscient des obstacles de quatre façons : en les connaissant, en sachant comment ils apparaissent, en sachant comment ils cessent et en sachant ce qui peut les empêcher d’apparaître à l’avenir.
Le premier stade consiste à en être conscient. Pouvez-vous être conscient des distractions de l’esprit qui vous éloignent de la respiration ? L’esprit tombe-t-il brusquement à plat ? Êtes-vous attentif à la respiration et puis vous vous en éloignez ? Ou bien en êtes-vous écarté par une pensée de désir ou par un ressenti de négativité ou d’aversion : « Je lui ai dit ceci et il m’a dit cela » et toute la conversation vous revient à l’esprit. Il se peut aussi qu’une « colère justifiée » apparaisse et qu’une vieille histoire se réveille. Mais l’une des situations les plus difficiles, c’est quand l’esprit est terne et somnolant ; à ce moment-là il est dur de voir au travers de l’endormissement car on est déjà dans un nuage : comment voir le nuage quand on en fait partie ? Être capable d’observer clairement les nombreuses distractions qui nous éloignent de la respiration exige un certain degré d’attention.
Le deuxième niveau de développement consiste à observer la cause de l’apparition des obstacles, ce qui les génère, les conditions nécessaires à leur production. Cela implique que nous soyons capables de reconnaître les obstacles et d’avoir un certain degré de calme mental et de présence consciente non réactive pour pouvoir les analyser. Les obstacles ont différentes nuances et différents degrés d’intensité. Par exemple, j’ai pu observer chez moi une douzaine de sortes de somnolence – il n’y en a pas qu’une seule. Nous commençons par simplement essayer de regrouper les obstacles par catégories, sous une même appellation, pour voir d’où ils proviennent, ce qui les génère ou qui cause leur apparition.
Selon mon expérience, avoir conscience d’un phénomène permet de l’objectiver mais il reste encore de subtils niveaux de référence subjective : « C’est mon état d’esprit, ceci apparaît en moi, c’est mon obstacle, etc. » Par contre, lorsqu’on observe la cause de l’apparition de l’obstacle, il se produit une ouverture très nette sur son impersonnalité ; nous devenons davantage conscients des facteurs non-personnels qui agissent à l’arrière-plan et qui le conditionnent, même sans « mon » accord. C’est la vision profonde que le Bouddha a eu de la nature de la réalité : il a vu qu’elle est conditionnée par des causes, ce fut l’élément-clé de son éveil.
Le troisième niveau de travail sur les obstacles consiste à savoir ce qui cause leur disparition. Une fois qu’ils sont apparus, qu’est-ce qui occasionne leur cessation, comment nous en libérons-nous ? Il arrive que l’on soit assis en méditation dans un état de somnolence mais que celle-ci se dissipe ensuite. Comment cela s’est-il produit ? Peut-être est-ce l’effet du café que vous avez bu un peu plus tôt ? Mais peut-être avez-vous fait quelque chose de particulier qui a permis à la somnolence de passer. À quoi avez-vous pensé ? Peut-être qu’une pensée inspirante vous est venue à l’esprit et a effacé l’endormissement et l’apathie qui vous habitaient – l’inspiration peut avoir cet effet-là. Mais il est possible que cela ne fonctionne pas toujours ; peut-être que cela fonctionne pour certains types de somnolence ou d’apathie de l’esprit mais pas pour d’autres.
Le quatrième niveau consiste à découvrir la façon dont nous pouvons empêcher les obstacles de réapparaître à l’avenir. Bien sûr, cela nécessitera plus qu’une simple observation attentive. D’abord nous devrons avoir une meilleure compréhension expérientielle en connaissant la nature des obstacles et la façon dont ils apparaissent et disparaissent ; ensuite, nous devrons travailler en utilisant certaines des méthodes décrites dans ce livre. Il est fort probable qu’avant de pouvoir ressentir une complète libération des obstacles, il sera nécessaire d’apporter quelques changements significatifs dans notre comportement et dans la compréhension que nous avons de ce que nous appelons « moi ».
Source du texte Dhamma de la forêt