Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.
La léthargie peut aussi venir d’un manque de motivation : on a perdu de vue son objectif, on ne trouve pas de joie dans la pratique spirituelle.
Les efforts n’obtenant aucun résultat, on tombe dans l’insatisfaction et l’ennui.
Il peut aussi y avoir plusieurs raisons à cela. L’une d’elles est ce que j’appelle la « morosité spirituelle». C’est le stade où il semble que la pratique s’assèche. Cela arrive surtout aux personnes relativement nouvelles dans la méditation.
Si elles continuent à pratiquer, c’est parce qu’elles en retirent un certain bienfait – je ne pense pas que ce soit seulement la bonne odeur de l’encens qui les inspire ! Elles obtiennent des résultats et elles en veulent plus – en espérant que ce seront des révélations profondes et pas seulement de belles lumières.
Parfois, il s’agit simplement du plaisir de la nouveauté, d’un certain intérêt, de la fascination de découvrir son monde intérieur.
Mais après un certain temps, on a le sentiment que ces effets positifs diminuent. Peut-être même que l’on cesse d’avoir des révélations intérieures ou que l’enthousiasme ou l’intérêt faiblit.
Lorsque nous abordons pour la première fois une pratique spirituelle, tout est nouveau pour nous. Mais lorsque nous nous familiarisons avec elle, il nous paraît normal d’être plus éveillé, plus concentré et plus paisible dans notre quotidien.
Cela devient notre façon d’être normale plutôt que quelque chose de particulièrement spirituel. C’est ainsi qu’il peut nous sembler que rien de spécial ne se passe ; la lune de miel est terminée et la morosité s’installe.
En fait, il peut s’agir d’un signe positif, signe que la pratique spirituelle est en train de s’intégrer et de se normaliser dans la vie de tous les jours.
Comme on dit : « Quand on gratte une allumette dans le noir, la flamme semble très vive. Quand on en allume une en plein jour, on la voit à peine. »
C’est un peu comme vivre dans un nouveau pays : au début, tout est passionnant, la nourriture est différente, il y a d’autres activités culturelles.
Mais au bout d’un moment, la vie dans ce lieu devient assez ordinaire et l’appréciation de ce nouvel environnement change ; elle passe à un autre niveau.
Au lieu de simplement apprécier les manifestations extérieures comme la nourriture, les curiosités et les bruits, on vit quelque chose d’autre.
Par exemple, la première fois que j’ai séjourné en Thaïlande, j’ai trouvé le pays fascinant. La cuisine est particulièrement originale et délicieuse mais, avec le temps, je m’y suis habitué et elle m’a parue tout à fait ordinaire.
Ensuite, j’ai commencé à apprécier de nouvelles choses dans la culture thaïlandaise : la capacité qu’ont les gens d’entrer dans le flot de la vie, bien plus que les Occidentaux.
J’ai souvent été obligé de constater que tout est mai nae, incertain.
C’était très différent des valeurs occidentales que je connaissais. Avant, je planifiais tout bien à l’avance, j’étais très organisé, le calendrier de l’année était rempli d’activités. Tandis que les Thaïlandais disent plutôt : « Oh, ce n’est pas important. Nous verrons bien ce qui se passera ! »
Bien sûr, le revers de la médaille, c’est lorsqu’ils disent qu’ils vont venir le lendemain et qu’ils ne viennent pas : « Je viendrai aujourd’hui ou demain, mai nae. »
Malgré tout, il y a un certain charme, c’est bon enfant et très utile pour la pratique spirituelle bouddhiste car les Thaïlandais ne se contentent pas de parler d’incertitude et d’impermanence, ils les vivent.
Ils vivent chaque jour de leur vie avec un sentiment d’incertitude : peut-être que oui, peut-être que non.
Tandis qu’en Occident nous sommes tendus, frustrés ou furieux si quelque chose de planifié ne se passe pas comme prévu.
Mon propre conditionnement faisait que j’étais vraiment frustré si les choses ne tournaient pas comme je voulais. Alors, j’étais obligé de me souvenir : « Tout est incertain » et la frustration disparaissait instantanément : « Ah oui, c’est vrai. La réalité des choses est incertaine.
Si je fige les choses ainsi, si je veux qu’elles se passent comme je l’entends parce que cela me donne un sentiment de sécurité et de contrôle, c’est mon problème. »
Source du texte Dhamma de la forêt