Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.
Même si le remords (comme dans le précédent obstacle) peut créer des inquiétudes obsédantes, il existe de nombreuses autres causes d’inquiétude.
Comme la vie est très incertaine et en constant changement, nous pourrions nous inquiéter de pratiquement tout : « Et s’il y avait une grève des bus demain ? Et s’il y avait un tremblement de terre ? »
Il s’agit parfois d’une habitude conditionnée que nous avons développée. Parfois, nous sommes trop perfectionnistes ou trop responsables et nous nous sentons obligés de tout planifier à l’avance.
Parfois, il peut aussi y avoir une crainte sous-jacente d’échec ou de commettre une erreur.
Il y a quelques années, j’ai été invité par Ajahn Sumedho à participer à une retraite au sommet des montagnes de la Sierra Nevada, au sud de l’Espagne. À cette époque, j’étais le second moine au monastère de Chithurst en Angleterre.
Il faut savoir que le second moine a la responsabilité du monastère pour permettre à l’abbé d’être libre de donner les enseignements – or moi, j’étais en Espagne…
Quand la retraite a commencé, j’ai observé ce qui semblait être un gros nuage noir dans ma tête. Je me suis dit que c’était peut-être dû à l’altitude ou au changement de nourriture, mais cela persistait.
Enfin, dans l’après-midi du troisième jour, tandis que je méditais en marchant, j’ai posé mon attention sur ce nuage dans ma tête pour essayer de l’éclaircir et, en le regardant de près, j’ai soudain réalisé qu’il s’agissait en fait d’une manifestation d’inquiétude.
Dès que j’ai pu identifier ce ressenti comme de l’inquiétude, le nuage dans ma tête a disparu et le soleil s’est tout de suite mis à briller plus fort.
Ce que j’ai vu, c’était mon inquiétude pour le monastère en Angleterre. C’était vraiment absurde : j’étais là, en Espagne, à m’inquiéter pour un monastère en Angleterre !
En plus, j’étais dans un endroit isolé de la montagne, sans téléphone ni autre moyen de communication ; je ne pouvais même pas appeler et demander si tout allait bien. Le démon de la responsabilité m’avait suivi en Espagne.
C’était ridicule, comme une mauvaise blague venue gâcher mes vacances méditatives au soleil. Alors j’en ai bien ri. Cependant, cela m’a permis de mieux comprendre que ces responsabilités étaient devenues excessives et qu’elles me hantaient maintenant en créant un gros nuage noir dans ma tête, même quand j’étais loin.
Le simple fait d’en être conscient a permis que l’inquiétude se dissipe.
Le reste du temps en Espagne, je n’ai plus repensé au monastère (ce qui était peut-être irresponsable !) et le gros nuage noir n’est jamais revenu.
Cette expérience m’a tout de même incité à prendre davantage conscience de mon « démon de la responsabilité » et d’initier un dialogue amical avec lui : « Comment vas-tu aujourd’hui ? As-tu quelque chose à me dire ? »
Source du texte Dhamma de la forêt