Le don du Dhamma surpasse tous les autres dons

Le Dhamma du Bienheureux est Parfaitement Exposé

Extrait du livre : Nous tous 
Accablés par la naissance, la décrépitude et la mort
par
Sœur Ayya Khema
© 1994
Traduit par Lumen Ras
Le Dhamma du Bienheureux
est parfaitement exposé,
à voir ici et maintenant,
indépendamment du temps.

La première ligne de ce chant exprime une foi authentique dans le Dhamma. Il ne s’agit pas d’une croyance aveugle, mais d’une relation intérieure de confiance. Lorsqu’on accorde sa fidélité à quelqu’un, on lui accorde aussi sa confiance : on se remet entre ses mains, on établit un lien profond, une ouverture intérieure. Cela est d’autant plus vrai s’agissant de la foi dans l’enseignement du Bouddha. Les aspects du Dhamma que nous ne comprenons pas encore peuvent être mis de côté sans pour autant altérer cette foi et cette confiance.

Si nous ressentons que cet enseignement est “parfaitement exposé”, alors nous sommes véritablement privilégiés, car nous connaissons une chose dans l’univers qui est parfaite. Il n’existe rien d’autre qui soit exempt de défaut, ni rien qui tende vers une perfection achevée. Si nous portons envers le Dhamma une telle confiance, fidélité et amour, alors nous avons trouvé quelque chose d’incomparable. Nous possédons une richesse intérieure.

« À voir ici et maintenant«  relève de notre propre responsabilité. Le Dhamma a été rendu clair par l’Êveillé, qui l’a enseigné par compassion. Mais c’est à nous de le voir intérieurement, à travers notre propre vision.

L’insistance sur « ici et maintenant » est capitale, car cela implique de ne pas oublier, mais d’être conscient du Dhamma à chaque instant. Cette vigilance nous permet d’observer nos réactions avant qu’elles ne se transforment en paroles ou en actions inappropriées. Voir en soi ce qui est positif et le cultiver, reconnaître le négatif et le transformer. Lorsque nous croyons tous nos pensées et leur cherchons des justifications, nous ne voyons pas le Dhamma. Il n’y a pas de justifications, seulement des phénomènes surgissant et s’éteignant.

« Indépendamment du temps » signifie que nous ne dépendons pas de la présence physique d’un Bouddha pour pratiquer le Dhamma. Bien que cette croyance soit répandue, il est tout à fait possible de pratiquer ici et maintenant. Certains estiment que la situation, le maître ou la méditation doivent être parfaits. Rien de cela n’est vrai. Les phénomènes mentaux et physiques (dhammas) apparaissent et disparaissent sans relâche. Si nous nous y accrochons en les considérant comme « miens », nous donnerons crédit à toutes les histoires que notre esprit nous raconte, sans discernement. Nous sommes faits de corps, de sensations, de perceptions, de formations mentales et de conscience – que nous saisissons fermement comme étant « moi » et « mien ». Il nous faut prendre du recul et devenir un observateur neutre de tout ce processus.

        Invitant à venir voir, conduisant vers l’intérieur.

Comprendre le Dhamma nous conduit vers notre propre intériorité. L’invitation à « venir et voir » ne concerne ni une salle de méditation, ni une statue du Bouddha, ni un stūpa ou un sanctuaire. Il s’agit d’une invitation à observer les phénomènes qui surgissent en nous. Les impuretés comme les états de purification se trouvent dans notre propre cœur et esprit.

Notre esprit est très actif : il remémore, planifie, espère, juge. De même, notre corps pourrait passer la journée à lancer des cailloux dans l’eau. Nous considérerions cela comme un gaspillage d’énergie, et redirigerions le corps vers une activité utile. Il en va de même pour l’esprit. Plutôt que de laisser surgir toutes sortes de pensées et d’impuretés, nous pouvons orienter l’esprit vers une observation bénéfique : de nos préférences, nos rejets, nos désirs, nos points de vue.

Lorsque l’esprit enquête, il ne peut pas en même temps s’impliquer dans ses propres constructions mentales. À mesure qu’il devient plus attentif, il parvient à rester objectif plus longtemps. C’est pourquoi le Bouddha a enseigné que la pleine conscience est la voie unique de la purification des êtres. L’observation lucide des phénomènes montre qu’il n’existe que des manifestations mentales et corporelles, en perpétuelle expansion et contraction, tout comme l’univers. Sans une observation assidue, nous ne verrons jamais cela, et nous ne comprendrons pas le Dhamma ici et maintenant, malgré l’invitation à « venir et voir ».

        À connaître par les sages,  par soi-même

Nul ne peut connaître le Dhamma pour un autre. On peut chanter, lire, discuter, écouter, mais sans observer ce qui surgit en soi, on ne connaîtra pas le Dhamma. Il n’existe qu’un seul lieu où le Dhamma peut être véritablement connu : dans notre propre cœur et notre propre esprit. Cette connaissance doit être expérimentée personnellement, par une observation constante. La méditation y contribue. Tant que l’on n’a pas examiné ses réactions, qu’on ne comprend pas pourquoi l’on désire une chose et rejette une autre, on n’a pas vu le Dhamma.

L’esprit verra alors l’impermanence (anicca), car nos désirs et rejets changent constamment. Il reconnaîtra que l’esprit pensant et le corps respirant sont tous deux sources de souffrance (dukkha).

Lorsque l’esprit ne fonctionne pas dans une conscience vaste et transcendantale, il génère la souffrance. Seul un esprit illuminé et illimité en est libre. Le corps, quant à lui, produit du dukkha de multiples façons, ne pouvant rester stable. Voir cela clairement nourrit la détermination à connaître le Dhamma de manière directe.

        La sagesse naît de l’intérieur, de l’expérience comprise

Ni l’érudition ni l’écoute ne peuvent la produire. La sagesse, c’est aussi la maturité, sans lien avec l’âge. La vieillesse peut y contribuer, mais ce n’est pas garanti. La sagesse est une connaissance intérieure, qui engendre la confiance en soi. On n’a plus besoin de validation extérieure ni d’approbation : on sait avec certitude.

Lorsque l’on récite un chant, il est essentiel d’en comprendre le sens et de se demander en quoi il nous concerne personnellement.

Vers en pāli et traduction

pamadamulako lobho, lobho vivadamulako,
dasabyākārako lobho, lobho paramhi petiko,
taṁ lobhaṁ parijānantam vande’haṁ vitalobhakaṁ

        La convoitise est la racine de la négligence, elle est la source du conflit,
        Elle mène à l’asservissement, et dans l’au-delà à une naissance comme esprit errant.
        Celui qui a pleinement compris la convoitise, je le vénère, lui qui en est libéré.

vihaññāmulako doso, doso virūpakārako,
vināsakārako doso, doso paramhi nerayo,
taṁ dosaṁ parijānantam vande’haṁ vitadosakaṁ

        La haine est la racine de l’agitation, elle cause la déformation,
        Elle mène à la destruction, et dans l’au-delà à une naissance en enfer.
        Celui qui a compris la haine jusqu’au bout, je le vénère, lui qui en est purifié.

sabbāghamulako moho, moho sabbitikārako,
sabbandhakārako moho, moho paramhi tiracchāno,
taṁ mohaṁ parijānantam vande’haṁ vitamohakaṁ

        L’illusion est la racine de tout mal, elle cause trouble et confusion,
        Elle aveugle tous les êtres, et dans l’au-delà conduit à la naissance animale.
        Celui qui a vu la fin de l’illusion, je le vénère, lui qui en est libéré.

Le Bouddha a dit :

Même mille vers sans signification ne valent pas une seule ligne pleine de sens,
si celle-ci conduit à la paix intérieure.

(Dhammapada, verset 100 ; trad. Khantipalo)

Si nous pratiquons une seule ligne du Dhamma, cela a infiniment plus de valeur que de connaître tout le recueil de chants par cœur.

Les phénomènes d’apparition et de cessation sont nos enseignants constants, ils ne prennent jamais de pause. Le Dhamma nous est enseigné à chaque instant de veille, si nous choisissons de l’écouter. Il est la vérité révélée par l’Éveillé, la loi naturelle qui nous entoure et nous habite.

Le Bouddha déclara un jour :

« Ānanda, c’est parce que je suis pour eux un véritable ami que les êtres soumis à la naissance sont libérés de la naissance. »
(Saṁyutta Nikāya III.18, XLV.2)

Chacun a besoin d’un ami spirituel (kalyāṇa mitta), non seulement prêt à aider, mais aussi à pointer les glissements. Suivre le Dhamma est semblable à marcher sur une corde raide : chaque déviation cause de la souffrance. Si nous ressentons une douleur intérieure, c’est que nous ne sommes plus en équilibre. Un bon ami pourrait dire : « Tu as penché trop à droite… ou à gauche. Tu n’étais pas vigilant, c’est pourquoi tu as chuté dans la souffrance. La prochaine fois, je t’avertirai. » Mais nous n’acceptons cela que d’une personne en qui nous avons pleinement confiance.

On peut être séduit par de belles paroles ou une apparence charmante, mais le caractère réel d’une personne se révèle dans les petits actes du quotidien, notamment dans sa manière de réagir face aux obstacles. La difficulté est le test de la patience, de l’équanimité, et de l’humilité. Moins on est centré sur son ego, plus on navigue aisément à travers les épreuves.

Au début, suivre la corde du Dhamma peut sembler inconfortable. Nous avons l’habitude de nous laisser emporter dans toutes les directions, selon nos impulsions. Cela peut sembler contraignant. Mais comme pour marcher sur une corde raide, il faut accepter des restrictions conscientes, imposées par la pleine conscience. Ce qui apparaît d’abord comme des chaînes s’avère en réalité être les clés de la libération.

Pour posséder ce joyau parfait qu’est le Dhamma dans notre cœur, il nous faut être éveillés, présents, attentifs. Alors nous pourrons attester nous-mêmes, par notre propre vigilance :

« Le Dhamma du Bienheureux est parfaitement exposé. »

Aucun joyau mondain n’égale la valeur du Dhamma. Chacun de nous peut en devenir le dépositaire. Quelle chance inestimable d’avoir cette opportunité !
Et au réveil chaque matin, que cette pensée soit la première :

« Quelle bénédiction que de pouvoir pratiquer le Dhamma. »