Extrait du livre « Travailler avec les cinq obstacles », Ajahn Thiradhammo.
Dans le chapitre précédent, j’ai dit que la souffrance pouvait engendrer de l’énergie.
Cependant, nous devons être circonspects dans la manière dont nous l’utilisons car elle peut aussi provoquer de l’agitation.
Bien que la souffrance puisse nous sortir d’une léthargie complaisante, elle peut parfois être tellement désagréable que le « moi » va nous distraire en nous agitant ou en soulevant n’importe quel autre obstacle.
Peut-être que lorsque vous êtes assis en méditation, un certain inconfort physique commence à se faire sentir et finit par agiter l’esprit.
Certains croient que la méditation est meilleure quand elle dure très longtemps mais ils n’ont peut-être pas compris que le but de la méditation assise est de calmer l’esprit, pas de supporter l’inconfort au point d’en être agité.
Il est aussi possible qu’une souffrance mentale inconsciente cause de l’agitation, et nous préférons lutter contre cette agitation ou la supporter plutôt que d’essayer de découvrir ce qui se cache derrière.
Je me suis trouvé un jour dans un petit monastère du nord de la Thaïlande. C’était un endroit assez agréable dans une vallée tranquille. J’avais une petite cabane recouverte de chaume, un sentier pour méditer en marchant et je recevais suffisamment de nourriture dans mon bol chaque matin.
J’ai passé quelques jours à méditer dans cet endroit mais mon esprit refusait de se calmer. Les pensées ne cessaient d’aller et venir : blablabla… J’ai commencé à me demander ce qui se passait. Je ne pouvais rien reprocher au climat, à la nourriture ni au
logement. J’étais à court d’excuses – le problème venait peut-être des fantômes (28) ?!
Quoi qu’il en soit, comme je pensais visiter plusieurs monastères, je suis parti ailleurs et la méditation s’est améliorée. Plus tard, je suis allé dans un autre endroit qui se trouvait sur une colline sous un énorme banian, avec une vue spectaculaire sur la vallée et sur les montagnes recouvertes d’arbres. Je me suis dit : « Je ne peux pas méditer ici, je vais passer tout mon temps à regarder la vue. »
Cependant, après seulement quelques heures sur place, mon esprit est devenu très calme.
C’est alors que j’ai compris pourquoi le calme mental se produit dans certains endroits et pas dans d’autres : parce que l’esprit a besoin d’un espace ouvert pour se sentir bien et détendu.
Lorsque je faisais la méditation marchée dans cette agréable vallée, je me sentais étouffé, enfermé.
Mon esprit était mal à l’aise, opprimé ou enserré, ce qui avait créé tout un train de pensées agitées. Par contre, au sommet de la colline avec beaucoup d’espace libre devant moi, je sentais que mon esprit était vaste et détendu.
C’est pourquoi je préfère généralement m’installer tout en haut d’une colline.
Je ne suis pas tout à fait sûr des raisons sous-jacentes mais j’ai tendance à croire qu’il s’agit d’une question de tempérament personnel.
Dans tous les cas, l’important est de prendre conscience de sa propre agitation et d’utiliser cette prise de conscience pour remonter jusqu’à l’origine du problème.
(28) La cosmologie bouddhique compte plusieurs sphères d’existence en dehors du monde humain. Les Thaïlandais les connaissent bien et nombre d’entre eux pensent donc que le monde est peuplé par d’autres entités, en particulier des fantômes (les peta) et des êtres célestes (les deva). Certaines de ces entités sont supposées influencer les événements du monde humain : les fantômes empireraient les choses, en causant des maladies, des hantises, etc. Ces effets sont parfois atténués par des offrandes méritoires comme la cérémonie qui consiste à verser de l’eau dans la terre.
Source du texte Dhamma de la forêt