Livre conseillé : L’enseignement du Bouddha, d’après les textes les plus anciens, de Walpola Rahula.
(Liste de livres sur le site bica vipassana)
Tout ce qui existe dans l’univers est soumis à trois caractéristiques :
- Dukkha
Anattā et Anicca
Anatta, voir ICI
Anicca, voir LA
Dukkha est la première des quatre Nobles Vérités énoncées dans le premier sermon du Bouddha
Les 4 nobles vérités sont présentés ICI
Il est impossible de traduire Dukkha (terme pāli) par un seul mot car il a de nombreuses significations. Traduire dukkha par le seul mot “souffrance” est bien trop restrictif.
– J’ai déjà évoqué dukkha, mais de manière plus personnelle, dans “Après la Retraite” : ICI
La première Noble Vérité, d’après Walpola Rahula, dans son livre “L’enseignement du Bouddha” :
La Première Noble Vérité est généralement traduit par la plupart des érudits par “La Noble Vérité de la souffrance”, et elle est interprétée comme signifiant que la vie ne serait, selon le Bouddha, que souffrance et douleur.
Cette traduction et cette interprétation sont insuffisantes et trompeuses.
C’est par suite de cette traduction trop étroite, libre et facile, et de l’interprétation trop superficielle à laquelle elle conduit que beaucoup de personnes tiennent, à tort, le Bouddhisme pour une doctrine pessimiste.
Disons avant tout que le bouddhisme n’est ni pessimiste ni optimiste. Si on devait lui donner un qualificatif, ce serait celui de réaliste qui conviendrait. Sa vision de la vie et du monde est absolument réaliste. Il regarde les choses objectivement.
Il ne cherche pas à nous bercer de l’illusion que nous vivons dans un paradis trompeur, il ne cherche pas non plus à nous effrayer par toutes sortes de péchés et de craintes imaginaires….
Le terme “dukkha” en tant qu’il exprime la première Noble Vérité qui représente le point de vue du Bouddha sur la vie et le monde, revêt un sens plus profondément philosophique et comporte des significations beaucoup plus étendues.
On admet que le mot dukkha comporte évidemment le sens courant de “souffrance” mais qu’en plus il implique les notions plus profondes d’imperfection, d’impermanence, de conflit, de vide et de non-substantialité…
… Tout ce qui est impermanent est dukkha.
La notion de dukkha peut-être considérée de 3 points de vues différents:
1- Dukkha en tant que souffrance ordinaire
2- Dukkha en tant que souffrance causée par le changement
3- Dukkha en tant qu’état conditionné.
Autre présentation de Dukkha :
“……..inachevé, imparfait, interrompu, impermanent. Sous cet aspect d’impermanence, dukkha s’applique à toutes les manifestations du monde physique, psychologique et mental….”
Ce ne sont pas seulement les choses négatives qui sont dukkha, mais tout ce qui est impermanent, plaisir et déplaisir sont dukkha, jouissance et restriction sont dukkha, appropriation ou renoncement sont dukkha.
Dukkha a donc trois acceptations : la première est la souffrance en tant que telle, la seconde est l’interruption de conditions ou d’états heureux, la troisième est le conditionnement d’une chose par une autre (conception développée dans la théorie des cinq agrégats). En effet, si la vision des événements au travers de l’analyse suivant les cinq agrégats permet déjà une meilleure compréhension de leur prégnance et des mécanismes à l’oeuvre sur le sujet, c’est parce qu’ils sont des agrégats d’attachement.”
Que veut dire dukkha:
Dukkha veut dire la douleur, la peine, la souffrance. C’est une caractéristique dominante dans le monde dans lequel nous vivons. Selon Bouddha, le seul fait de vivre est marqué par la caractéristique de dukkha, qui est la peine qui se manifeste sous toutes ses formes. Ce peut être la peine qu’on éprouve dans la tristesse, dans la misère ou dans les difficultés de la vie. Ce peut être aussi la peine qu’on peut ressentir lorsqu’on est saturés de plaisir, à tel point que l’objet du plaisir devient lui-même dégoûtant et répulsif. C’est la peine d’être séparé de ceux que l’on aime, mais c’est aussi celle de devoir supporter la présence des êtres que nous n’aimons pas. C’est la peine de ne pas vivre dans des endroits où l’on n’aimerait vivre et aussi celle d’être obligé de vivre dans des endroits où nous ne voulons pas vivre.
D’une manière ou d’une autre, que nous le voulions ou non, de nombreuses situations dans lesquelles nous nous trouvons sont pénibles. On a parfois accusé l’enseignement de Bouddha d’être pessimiste à cause de cette affirmation et on dit quelques fois que le monde n’est pas si pénible que ça parce qu’il y a de l’espoir. Il y a l’espoir d’un monde meilleur, l’espoir de gagner un paradis, de créer un monde plus heureux, de construire un environnement qui soit plus humain, plus équilibré. Lorsque les gens disent ainsi que le monde n’est pas si malheureux car il y a de l’espoir, Bouddha, dans son enseignement, à tendance à nous dire que c’est justement parce qu’il y a de l’espoir que cela montre que le monde est bien plus malheureux qu’on ne le pense.
Pour Michel Henri Dufour :
Dukkha, littéralement « difficile à supporter », fait référence à l’insatisfaction, l’incomplétude, l’imperfection, l’insécurité, implicites dans tous les phénomènes qui, en raison de leur changement perpétuel, sont toujours potentiellement sujets à provoquer la souffrance.
Ce concept inclut tout ce qui est désagréable, depuis les souffrances corporelles grossières et la souffrance implicite dans le vieillissement, la maladie et la mort, jusqu’aux sentiments subtils tels qu’être séparé de ce que nous aimons ou associé à ce qui nous déplaît et aux états mentaux plus fins comme la torpeur, l’ennui, l’agitation, etc. Il est souvent traduit, d’une façon réductrice, par « douleur » ou « souffrance », mais ces termes sont loin de le définir parfaitement. Dukkha est en fait le déséquilibre, le malaise éprouvé devant la nature oppressive de tous les facteurs d’existence par suite de leurs continuelles apparitions et disparitions. Il possède de nombreuses connotations selon la base ou selon la source, ainsi que de multiples formes. Les réactions à dukkha ont pour origine l’incapacité à comprendre et admettre la non permanence et le caractère impersonnel et non substantiel de tous les phénomènes, éléments constituant (avec dukkha) les « trois caractéristiques »
Source du texte: Vade mecum Michel Henri Dufour
Vous trouverez ci après :
1- La vérité de la souffrance, Par Chanmyay Sayadaw
2 – Extrait d’un article de Dominique Trotignon: sur les différents niveaux de Dukkha
3- Le Mahadukkhakhandha sutta
4- Cette précieuse vie humaine
5- Les quatre nobles vérités, par Michel Henri Dufour
“Les quatre Nobles Vérités” ou le “sermon de Bénares” est déjà copié dans son intégralité ICI
1-Dukkhasacca; La vérité de la souffrance, Par Chanmyay Sayadaw
Dukkhasacca c’est nama et rupa, les phénomènes mentaux et physiques. Nama (le mental) comme rupa (le physique) apparaissent dépendant de leurs conditions et alors sont appelés mentalité conditionnée et physique (corporel) conditionné. Par exemple, prenez la conscience de voir, lorsque l’on voit quelque chose de visible, la conscience de voir est présente. Elle apparaît dépendant de 4 conditions ; les yeux, une chose visible, la lumière et l’attention (manisikara en pāli). Ces 4 conditions sont la cause de l’apparition de la conscience de voir.
Toutes ces conditions doivent être présentes pour que la vue apparaisse. Bien que vous ayez des yeux, et que l’œil entre en contact avec une chose visible –s’il n’y a pas de lumière, vous ne pouvez voir. La conscience de voir n’apparaitra pas. Si vous avez des yeux, un contact visuel, une chose visible et de la lumière, mais sans attention à l’objet ou la chose visible, vous ne pourrez simplement pas voir. La conscience de voir apparaitra seulement quand il y a attention.
Parce que la conscience de voir a 4 conditions, on dit qu’elle est conditionnée. En pāli, une chose conditionnée est appelée sankhata. Toute conscience est conditionnée, comme le sont les phénomènes mentaux et physiques. Ils apparaissent dépendants de leurs conditions.
Néanmoins, la cessation de la souffrance, nibbâna, n’est pas conditionnée parce qu’elle n’apparaît pas ni ne dépend d’aucune condition. Alors il n’y a pas de condition ou cause pour la cessation de la souffrance, nibbâna. Elle est inconditionnée. Ce qui n’est pas conditionné est appelé asankhata, alors que le conditionné est appelé sankhata.
Dans notre exemple, la conscience de voir dépend de l’œil, d’une chose visible, de la lumière et de l’attention. Elle apparaît puis elle disparaît. Pourquoi disparaît-elle ? Parce qu’elle apparaît. Toutes les choses conditionnées, sankhata, ont la nature de l’apparition et de la disparition, alors elles ont aussi la nature de l’impermanence (anicca).
Tandis que la cessation de la souffrance, nibbâna, n’est pas conditionnée, elle existe toujours. Parce qu’elle n’apparaît pas, elle ne disparaît pas. Alors la cessation de la souffrance, nibbâna, n’est pas impermanente. Parce qu’elle est inconditionnée, et n’apparaît pas dépendant de condition –il n’y a pas de causes conditionnées. Alors, cette cessation de la souffrance, nibbâna, est connue comme akarana en pāli. ‘Karana’ signifie condition ; ‘a-’ sans, donc akarana signifie sans condition.
Quand vous pouvez éteindre tous les phénomènes mentaux et physiques qui sont les choses conditionnées, la cessation de la souffrance est expérimentée. La cessation de la souffrance existe par elle-même. Elle est déjà là. Elle n’apparaît pas, donc elle ne disparaît pas, elle est permanente. Elle est appelée à la fois akarana et asankhata, comme il n’y a pas de condition.
Le seigneur Bouddha a dit dans le premier sermon, que dukkhasacca (c’est-à-dire les phénomènes mentaux et physiques) -la vérité de la souffrance est parinneya.
C’est une vérité qui doit être complètement réalisée (parinneya). Tout phénomène mental, et tout phénomène physique, apparaît et disparaît. Ils sont impermanents. Ce qui est impermanents est souffrance, dukkha. C’est pourquoi Bouddha dit qu’à la fois nama et rupa, les phénomènes mentaux et physiques sont souffrance, la vérité de la souffrance. Cela doit être complètement compris et réalisé.
3 sortes de dukkha.
Maintenant nous devrions mentionner très brièvement les 3 sortes de souffrances générales, dukkha, selon le traité bouddhiste de l’Abhidhamma.
La première est dukkha dukkha.
La seconde est viparinama dukkha.
La troisième est sankhara dukkha.
Dukkha dukkha est une souffrance très commune. Quelques exemples seraient des choses telles que la douleur, les démangeaisons, les irritations, toutes maladies ou souffrances physiques. D’autres peuvent être le malheur, la tristesse, la peine, l’inquiétude ou toutes souffrances mentales. Ces états de souffrance sont très remarquables et communs à tous les êtres humains.
Alors, ils sont appelés dukkha dukkha, la souffrance de la souffrance.
La seconde sorte est viparinama dukkha (dukkha du changement). Bouddha nomme aussi le prétendu bonheur comme viparinama dukkha parce qu’il ne dure pas très longtemps. Il apparaît puis disparaît se changeant en malheur et souffrance. En fonction de sa nature de se transformer en souffrance, Bouddha a dit que le bonheur est viparinama dukkha. Ce changement peut s’effectuer soudainement ou rapidement.
Enfin, il y a sankhara dukkha. Sankhara dans ce cas a la même signification que sankhata. C’est quelque chose qui apparaît en fonction de condition ou cause. Donc, tous phénomènes mental ou physique est sankhata ou sankhara. Ils sont les effets de leurs causes, leurs conditions. Ils apparaissent et instantanément disparaissent, alors ils sont insatisfaisants. Pourquoi est-ce qu’ils disparaissent ? De nouveau, c’est parce qu’ils apparaissent, qu’ils sont sujets à disparaitre. Cette souffrance de l’apparition et de la disparition incessante, sankhara dukkha, est commune à tout ce qui est conditionné.
Ainsi, nama et rupa, les phénomènes mentaux et physiques, qui sont des choses conditionnées, sont dukkhasacca. Cette vérité de la souffrance doit être entièrement réalisée par le méditant qui veut se débarrasser de la souffrance.
Les 2 autres types de souffrances, dukkha dukkha et viparinama dukkha, peuvent être expérimentées et aisément comprises par nous-mêmes dans la vie quotidienne même sans pratiquer la méditation. Cependant, sans la pratique de la méditation vipassana, la méditation de la vue pénétrante, nous ne sommes pas capable de réaliser complètement sankhara dukkha, la souffrance de l’apparition et de la disparition. Sankhara dukkha est très profonde, trop profonde pour être réalisée la connaissance théorique ou l’analyse.
Seulement par la pratique, la connaissance expérimentée du Dhamma, acquise par la méditation vipassana, nous sommes capable de réaliser cela, comme souffrance de l’apparition et de la disparition. Comme Bouddha a dit : « Une personne qui souhaite atteindre la cessation de la souffrance, nibbâna, doit comprendre correctement et réaliser la vraie nature des phénomènes mentaux et physiques, (nama et rupa). »
C’est pourquoi nous pratiquons la méditation de la vue pénétrante. Le but premier de la méditation vipassana est de réaliser l’impermanence ou l’apparition et la disparition des phénomènes mentaux et physiques ; sankhara dukkha. Quand nous ne sommes pas capables de réaliser ceci, nous prenons faussement ces phénomènes pour être permanents. Basé sur cette croyance en la permanence de l’esprit et du corps, nous favorisons l’idée d’un « je » ou d’un « tu », une personne ou un être, un soi ou une âme. Parce ce qu’on ne réalise pas pleinement la vraie nature de l’apparition et de la disparition des phénomènes mentaux et physiques, nous les tenons pour être une personne, un être, un soi ou une âme, etc.
Quand nous nous accrochons à l’idée d’une personne, d’un être, basée sur l’ignorance de la vraie nature du processus corps/esprit, alors nous développons le désir ou le vœu d’obtenir quelque chose. Nous voulons peut-être être premier ministre, président ou une personne riche. Ce désir apparaît dépendant de l’idée qu’il y a une personne, un soi ou une âme. Ce désir ou cette convoitise cause plusieurs sortes de souffrances. Quand on a le désir d’être président, on doit lutter pour cela de tant de façons différentes. Alors il y a souffrance. Quand on devient président, il y a encore plus de souffrance. Il y a tant de choses supplémentaires avec lesquelles on doit faire maintenant.
2-Pour Dominique Trotignon:
“Si dukkha recouvre l’idée de “souffrance”, au sens courant du terme, il dit aussi plus que cela. La définition canonique reconnaît trois interprétations : la souffrance au sens ordinaire (dukkha dukkha) ; la souffrance liée au caractère éphémère, impermanent des phénomènes (viparinâma dukkha ; viparinâma = transformation) et l’état conditionné de tout phénomène (sankhara dukkha).
Il y a donc plusieurs niveaux de dukkha.
Premièrement la souffrance liée au Soi : “ma” souffrance, celle que j’éprouve quand mon Soi est mis à mal par la douleur, physique ou psychologique, la déception, le refus des autres de me considérer comme un Soi méritant le respect et l’amour… souffrance du Soi dans ses relations aux autres, à l’Autre ; le Soi dans la dualité.
Deuxièmement la souffrance liée aux phénomènes qui me font douter de l’existence réelle de mon Soi : tous les changements qui surviennent en moi, qui font que se succèdent en moi la colère et la joie, et que même le bonheur que j’éprouve finit par disparaître – souffrance du Soi dans sa relation à lui-même (“Qui suis-je ?”, et donc aussi : “Suis-je ?”).
Troisièmement enfin, beaucoup plus profondément, le fait que tout cela n’est qu’illusion, qu’il ne s’agit que d’une construction mentale, que le Soi n’existe pas “en Soi”.
Il va sans dire que ce dernier aspect de dukkha, pour être perçu, demande déjà une capacité hors du commun de voir la réalité telle qu’elle est ; ce troisième aspect de dukkha, en fait, n’est visible que pour ceux qui sont déjà “entrés dans le courant” (selon la formule consacrée), qui ont déjà abandonné bien “des illusions” avant de pouvoir s’attaquer à “l’Illusion” suprême. Le commun des mortels, lui, affronte dukkha selon le premier sens, au mieux dukkha selon le deuxième… s’il connaît déjà quelque inquiétude spirituelle, ou au moins existentielle !”
3-Le Mahadukkhakhandha sutta
(23.1) Ainsi ai-je entendu: Une fois, le Bienheureux séjournait au monastère fondé par Anathapindika au parc Jeta, près de la ville de Savatthi. En ce temps-là, quelques disciples, s’étant habillés de bon matin, prirent leur bol à aumône et leur manteau, et entrèrent dans la ville de Savatthi pour recevoir la nourriture.
(23.2) L’idée suivante vint à ces disciples: “Il est trop tôt pour aller recueillir l’aumône. Si nous nous approchions du bois où se trouvent les Paribbajakas, adeptes d’autres sectes.” Les disciples s’approchèrent donc du bois où se trouvaient les Paribbajakas, adeptes d’autres sectes. S’étant approchés, ils échangèrent avec eux des compliments de politesse et des paroles de courtoisie, et ensuite s’assirent à l’écart sur un côté.
(23.3) Les Paribbajakas, adeptes d’autres sectes, dirent alors aux disciples: “Le religieux Gotama, ô amis, énonce la compréhension claire des plaisirs des sens. Nous aussi, nous énonçons la compréhension claire des plaisirs des sens. Le religieux Gotama, ô amis, énonce la compréhension claire des formes matérielles. Nous aussi, nous énonçons la compréhension claire des formes matérielles. Le religieux Gotama, ô amis, énonce la compréhension claire des sensations. Nous aussi, nous énonçons la compréhension claire des sensations. Ainsi, ô amis, où est la divergence, où est le désaccord, où est la différence entre nous et le religieux Gotama, en ce qui concerne notre doctrine et notre enseignement par rapport à la doctrine et à l’enseignement du religieux Gotama ?”
(23.4) Les disciples n’approuvèrent ni rejetèrent les paroles des Paribbajakas, adeptes d’autres sectes. S’étant levés de leurs sièges, les disciples partirent sans approuver ni rejeter, mais en pensant: “Nous comprendrons le sens des paroles des Paribbajakas auprès du Bienheureux.”
(23.5) Puis, étant allés pour recevoir la nourriture et étant revenus de leur tournée, après avoir fini leur repas, ces disciples s’approchèrent du Bienheureux. S’étant approchés, ils rendirent hommage au Bienheureux, puis s’assirent à l’écart sur un côté.
(23.6) S’étant assis à l’écart sur un côté, ils informèrent le Bienheureux: Ce matin, ô Bienheureux, nous étant habillés, prenant nos bols à aumône et nos manteaux, nous sommes entrés à Savatthi pour recevoir la nourriture. L’idée suivante, alors, nous est venue: “Il est trop tôt pour aller recevoir la nourriture. Si nous nous approchions du bois où se trouvent des Paribbajakas, adeptes d’autres sectes.” Ensuite, nous étant approchés du bois, nous avons échangé avec les Paribbajakas des compliments de politesse et des paroles de courtoisie, et nous nous sommes assis à l’écart sur un côté.
(23.7) Les Paribbajakas nous parlèrent alors ainsi: “Le religieux Gotama, ô amis, énonce la compréhension claire des plaisirs des sens. Nous aussi, nous énonçons la compréhension claire des plaisirs des sens (…) Ainsi, ô amis, où est la divergence, où est le désaccord, où est la différence entre nous et le religieux Gotama, c’est-à-dire en ce qui concerne notre doctrine et notre méthode d’enseignement par rapport à la doctrine et à la méthode d’enseignement du religieux Gotama ?”
(23.8) Alors, nous n’avons approuvé ni rejeté les paroles des Paribbajakas. Nous étant levés de nos sièges, nous partîmes sans approuver ni rejeter, mais en pensant: “Nous comprendrons le sens des paroles des Paribbajakas auprès du Bienheureux.”
(23.9) Le Bienheureux alors s’adressa à ces disciples et dit: O moines, les Paribbajakas, adeptes d’autres sectes, qui parlent ainsi doivent être interrogés de façon suivante: “Cependant, quelle est, ô amis, la jouissance des plaisirs des sens? Quels sont leurs désavantages? Quelle est l’évasion hors des plaisirs des sens? Quelle est la jouissance des formes matérielles? Quels sont leurs désavantages? Quelle est l’évasion hors des formes matérielles? Quelle est la jouissance des sensations? Quels sont leurs désavantages? Quelle est l’évasion hors des sensations?”
(23.10) O moines, lorsque les Paribbajakas, adeptes d’autres sectes, seront interrogés ainsi, ils ne seront pas capables de répondre, et de plus ils tomberont dans des difficultés supplémentaires. Pourquoi ? La raison en est que ce sujet est en dehors de leur compétence. Moi, ô moines, je ne vois personne dans le monde avec ses dieux, ses Mara(s) et ses Brahma(s), ses troupes de religieux et de prêtres, ses êtres célestes et humains, qui soit capable de répondre à ces questions, sauf un Tathagata, ou un disciple du Tathagata, ou bien quelqu’un qui a appris auprès des disciples du Tathagata.
(23.11) Quelle est, ô moines, la jouissance des plaisirs des sens? Il y a cinq sortes de plaisirs des sens. Quelles sont ces cinq sortes: les formes connaissables par la conscience visuelle, désirées, aimées, plaisantes, charmantes et pourvues de séduction. Les sons connaissables par la conscience auditive, désirés, aimés, plaisants, charmants et pourvus de séduction. Les odeurs connaissables par la conscience olfactive, désirées, aimées, plaisantes, charmantes et pourvues de séduction. Les saveurs connaissables par la conscience gustative, désirées, aimées, plaisantes, charmantes et pourvues de séduction. Les choses tangibles connaissables par la conscience tactile, désirées, aimées, plaisantes, charmantes et pourvues de séduction. Tels sont, ô moines, les plaisirs des sens.
(23.12) La jouissance des plaisirs des sens, c’est, ô moines, le bonheur et le plaisir qui se produisent en conséquence de ces cinq sortes de plaisirs des sens.
(23.13) Quels sont, ô moines, les désavantages des plaisirs des sens ? Supposons, ô moines, qu’un fils de famille gagne sa vie par un métier tel que le calcul ou la comptabilité ou l’estimation, ou par un métier agricole ou bien au service des rois, ou par une autre profession. Supposons qu’il soit affligé par le froid, affligé par la chaleur, ou bien qu’il souffre de piqûres de taon, ou de piqûres de moustique, ou bien qu’il souffre à cause du vent, à cause du soleil, à cause des serpents venimeux, ou bien qu’il meure de faim ou de soif.
(23.14) Voilà, ô moines, le désavantage des plaisirs des sens qui est devenu réalité ici même. C’est un monceau de souffrances, qui a les plaisirs des sens pour cause, les plaisirs des sens pour origine, qui est une conséquence des plaisirs des sens. La véritable cause, ce sont les plaisirs des sens.
(23.15) O moines, si, malgré son courage dans son métier, malgré sa force et ses efforts, ce fils de famille n’acquiert pas de biens, alors il s’attriste, se lamente, se frappant la poitrine et gémissant, il tombe dans la désillusion et pense: “J’ai employé ma force en vain. Mon effort est sans fruit.”
(23.16) Cela aussi, ô moines, est un désavantage des plaisirs des sens qui est devenu réalité ici même, et c’est un monceau de souffrances qui a les plaisirs des sens pour cause, les plaisirs des sens pour origine, qui est une conséquence des plaisirs des sens. La véritable cause, ce sont les plaisirs des sens.
(23.17) O moines, supposons que ce fils de famille, s’encourageant lui-même, faisant des efforts, acquière en conséquence des biens. Dès lors, il éprouve une souffrance et une douleur, à cause de sa préoccupation pour protéger ses possessions, et il pense: “Que ni les rois ni les voleurs n’enlèvent mes possessions. Que ni le feu ni l’eau ne détruisent mes possessions. Que les autres héritiers que je n’aime pas ne m’enlèvent pas mes possessions.”
(23.18) Bien qu’il s’occupe de protéger ses possessions et de les garder, les rois ou les voleurs s’en emparent, ou bien elles sont détruites par le feu ou par l’eau, ou bien les héritiers qu’il n’aime pas les prennent. Alors, le fils de famille s’attriste, se lamente, se frappant la poitrine et gémissant, il tombe dans la désillusion, et pense: “Je n’ai plus ce qui m’appartenait.”
(23.19) Cela aussi, ô moines, est un désavantage des plaisirs des sens qui est devenu réalité ici même, et c’est un monceau de souffrances qui a les plaisirs des sens pour cause, les plaisirs des sens pour origine, qui est une conséquence des plaisirs des sens. La véritable cause, ce sont les plaisirs des sens.
(23.20) Et encore, ô moines, lorsque les plaisirs des sens sont la cause, lorsque les plaisirs des sens sont l’origine, lorsque les plaisirs des sens sont la raison, lorsque les plaisirs des sens sont la véritable cause, les rois se disputent avec des rois, les notables se disputent avec des notables; les brahmanes se disputent avec des brahmanes; les maîtres de maison se disputent avec des maîtres de maison; une mère se dispute avec son fils; un fils se dispute avec sa mère; un père se dispute avec son fils; un fils se dispute avec son père; un frère se dispute avec son frère; un frère se dispute avec sa soeur; une soeur se dispute avec son frère; un ami se dispute avec son ami.
(23.21) Ceux qui entrent dans la querelle, dans la contestation, se battent et s’attaquent l’un l’autre à mains nues, avec des pierres, avec des bâtons et avec des armes, ils meurent en souffrant ou bien ils éprouvent une douleur mortelle. Cela aussi, ô moines, est un désavantage des plaisirs des sens qui est devenu réalité ici même, et c’est un monceau de souffrances qui a les plaisirs des sens pour cause, les plaisirs des sens pour origine, qui est une conséquence des plaisirs des sens. La véritable cause, ce sont les plaisirs des sens.
(23.22) Et encore, ô moines, lorsque les plaisirs des sens sont la cause, lorsque les plaisirs des sens sont l’origine, lorsque les plaisirs des sens sont la raison, lorsque les plaisirs des sens sont la véritable cause, ayant pris des épées et des boucliers, portant des arcs et des carquois, les deux parties se rassemblent pour combattre, et des flèches volent, des couteaux volent, des épées flamboient. Ici, il y en a qui blessent avec des flèches et blessent avec des couteaux, qui décapitent avec des épées. Là il y en a qui souffrent en mourant, ou bien qui éprouvent une douleur mortelle.
(23.23) Cela aussi, ô moines, est un désavantage des plaisirs des sens qui est devenu réalité ici même, et c’est un monceau de souffrances qui a les plaisirs des sens pour cause, les plaisirs des sens pour origine, qui est une conséquence des plaisirs des sens. La véritable cause, ce sont les plaisirs des sens.
(23.24) Et encore, ô moines, lorsque les plaisirs des sens sont la cause, lorsque les plaisirs des sens sont l’origine, lorsque les plaisirs des sens sont la raison, lorsque les plaisirs des sens sont la véritable cause, ayant pris des épées et des boucliers, portant des arcs et des carquois, ils sautent sur les remparts brillants, et des flèches volent, des couteaux volent, des épées flamboient. Ici, il y en a qui blessent avec des flèches, avec des couteaux et qui versent des bouses brûlantes, qui écrasent avec une grande force et qui décapitent avec des épées. Là, il y en a qui souffrent en mourant ou bien éprouvent une douleur mortelle.
(23.25) Cela aussi, ô moines, est un désavantage des plaisirs des sens qui est devenu réalité ici même, et c’est un monceau de souffrances qui a les plaisirs des sens pour cause, les plaisirs des sens pour origine, qui est une conséquence des plaisirs des sens. La véritable cause, ce sont les plaisirs des sens.
(23.26) Et encore, ô moines, lorsque les plaisirs des sens sont la cause, lorsque les plaisirs des sens sont l’origine, lorsque les plaisirs des sens sont la raison, lorsque les plaisirs des sens sont la véritable cause, certains cambriolent une maison et la dévalisent, et se comportent comme des voleurs, tendent des embuscades et prennent les femmes des autres.
(23.27) Les rois, alors, s’emparent de tels individus et les punissent. Ils les battent avec des fouets, avec des bâtons, avec des verges. Ils leur coupent les mains, les pieds, les mains et les pieds, les oreilles, le nez, les oreilles et le nez.
(23.28) Ils leur infligent la punition appelée bilangathalika, la punition sankhamundita, la punition appelée rahumukha, la punition appelée jotimalika, la punition appelée hatthapa jjotika, la punition appelée erahavattika, la punition appelée cirahavasika, la punition appelée eneyyaha, la punition appelée balisamamsika, la punition appelée kahapanaka, la punition appelée kharapatacchika, la punition appelée palighaparivattika et la punition appelée palalapithaha.
(23.29) Ils versent de l’huile bouillante sur eux. Ils les font mordre par des chiens. Ils les empalent. Ils les décapitent avec des épées.
(23.30) Cela aussi, ô moines, est un désavantage des plaisirs des sens qui est devenu réalité ici même, et c’est un monceau de souffrances qui a les plaisirs des sens pour cause, les plaisirs des sens pour origine, qui est une conséquence des plaisirs des sens. La véritable cause, ce sont les plaisirs des sens.
(23.31) Et encore, ô moines, lorsque les plaisirs des sens sont la cause, lorsque les plaisirs des sens sont l’origine, lorsque les plaisirs des sens sont la raison, lorsque les plaisirs des sens sont la véritable cause, certains se comportent de façon mauvaise au moyen de leur corps, en parole et en pensée.
(23.32) S’étant comportés d’une façon mauvaise, après la dissolution du corps, après la mort, ils naissent dans des états malheureux, dans l’enfer, dans le Niraya.
(23.33) Cela aussi, ô moines, est un désavantage des plaisirs des sens qui arrive après la mort, et c’est un monceau de souffrances qui a les plaisirs des sens pour cause, les plaisirs des sens pour origine, qui est une conséquence des plaisirs des sens. La véritable cause, ce sont les plaisirs des sens.
(23.34) Alors, quelle est, ô moines, l’évasion hors des plaisirs des sens? L’évasion hors des plaisirs des sens, c’est la maîtrise du désir et de l’attachement, et la possibilité de se débarrasser des désirs et de l’attachement à l’égard des plaisirs des sens.
(23.35) O moines, si des religieux ou des brahmanes ne comprennent pas objectivement de cette façon la jouissance des plaisirs des sens comme jouissance, les désavantages de ceux-ci comme désavantages, l’évasion à leur égard comme évasion, il n’est alors pas possible qu’ils comprennent par eux-mêmes, d’une manière correcte et complète, le désir des plaisirs des sens, ni qu’ils soient capables d’instruire à cette fin une autre personne, ni que cette personne, en suivant leur enseignement, comprenne complètement le désir des plaisirs des sens.
(23.36) Cependant, ô moines, si des religieux ou des brahmanes comprennent objectivement de cette façon la jouissance des plaisirs des sens comme jouissance, les désavantages de ceux-ci comme désavantages, l’évasion à leur égard comme évasion, il est alors possible qu’ils comprennent par eux-mêmes, d’une manière correcte et complète, le désir des plaisirs des sens et qu’ils soient capables d’instruire à cette fin une autre personne et que cette personne, en suivant leur enseignement, comprenne complètement le désir des plaisirs des sens.
(23.37) Alors, quelle est, ô moines, la jouissance des formes matérielles ? Supposons, ô moines, une jeune fille d’une famille noble, ou d’une famille de brahmanes, ou d’une famille d’un chef de famille, qui est arrivée à l’âge de quinze, seize ans, et qui n’est ni trop grande ni trop petite, ni trop mince ni trop grosse, ni trop noire ni trop blanche. N’est-elle pas, ô moines, à ce moment-là, au sommet de sa beauté et de sa séduction? – Certainement oui, ô Bienheureux.
(23.38) – Si un bonheur et un plaisir se produisent à cause de la beauté et de la séduction de cette jeune fille, ô moines, cela est la jouissance des formes matérielles.
(23.39) Alors, quel est, ô moines, le désavantage dans les formes matérielles ? Supposons, ô moines, que l’on voie la même dame, longtemps après; elle a maintenant quatre-vingts, quatre-vingt-dix ou cent ans; elle est âgée, courbée comme (le bois) d’un chevron, inclinée sur un bâton, paralysée, devenue misérable; sa jeunesse est usée, ses dents brisées, ses cheveux rares; elle a la peau ridée, les jambes défraîchies et mal assurées. Qu’en pensez-vous, ô moines ? La beauté ancienne et la séduction n’ont-elles pas disparu, et le danger n’est-il pas apparu? – Si, ô Bienheureux.- Cela, ô moines, est un désavantage des formes matérielles.
(23.40) En plus, ô moines, on verra la même dame maintenant malade, souffrante, puis gravement malade, qui est étendue sur ses propres excréments, qui doit être levée et couchée par les autres. Qu’en pensez-vous, ô moines ? La beauté ancienne et la séduction n’ont-elles pas disparu, et le danger n’est-il pas apparu? – Si, ô Bienheureux. – Cela aussi, ô moines, est un désavantage des formes matérielles.
(23.41) En plus, ô moines, on verra la même dame dont le corps est jeté à l’écart dans un charnier. Un jour après la mort, deux jours après la mort, trois jours après la mort, le corps est gonflé, décoloré et en train de se décomposer. Qu’en pensez-vous, ô moines ? La beauté ancienne et la séduction n’ont-elles pas disparu, et le danger n’est-il pas apparu? – Si, ô Bienheureux. – Cela aussi, ô moines, est un désavantage des formes matérielles.
(23.42) En plus, ô moines, on verra la même dame dont le corps est jeté à l’écart dans un charnier, dévoré par des corbeaux, par des vautours ou par des chiens sauvages, des chacals ou divers animaux. Qu’en pensez-vous, ô moines? La beauté ancienne et la séduction n’ont-elles pas disparu, et le danger n’est-il pas apparu ? – Si, ô Bienheureux. – Cela aussi, ô moines, est un désavantage des formes matérielles.
(23.43) En plus, ô moines, on verra la même dame dont le corps est jeté à l’écart dans un charnier; il est désormais devenu un squelette auquel des chairs sanguinolentes pendent çà et là par des tendons, puis un squelette sans chair mais avec l’odeur du sang collée aux tendons, puis simplement les os séparés et dispersés çà et là, à savoir ici un os d’une main, là un os d’un pied, ici un os d’une jambe, là une côte, ici un os de la hanche, là un os de la colonne vertébrale et ici le crâne. Qu’en pensez-vous, ô moines? La beauté ancienne et la séduction n’ont-elles pas disparu, et le danger n’est-il pas apparu? – Si, ô Bienheureux. – Cela aussi, ô moines, est un désavantage des formes matérielles.
(23.44) En plus, ô moines, on verra la même dame dont le corps est jeté à l’écart dans un charnier. Désormais ses os sont blancs comme des coquillages, puis c’est un tas d’os d’un an, ensuite les os sont pourris et, enfin, réduits en poudre. Qu’en pensez-vous, ô moines? La beauté ancienne et la séduction n’ont-elles pas disparu, et le danger n’est-il pas apparu? – Si, ô Bienheureux. – Cela aussi, ô moines, est un désavantage des formes matérielles.
(23.45) Alors, quelle est, ô moines, l’évasion hors des formes matérielles ? L’évasion hors des formes matérielles, c’est la maîtrise du désir et de l’attachement, et la possibilité de se débarrasser des désirs et de l’attachement à l’égard des formes matérielles.
(23.46) O moines, si des religieux ou des brahmanes ne comprennent pas objectivement, de cette façon, la jouissance des formes matérielles comme jouissance, les désavantages de celles-ci comme désavantages, l’évasion à leur égard comme évasion, il n’est alors pas possible qu’ils comprennent par eux-mêmes, d’une manière correcte et complète, les formes matérielles, ni qu’ils soient capables d’instruire à cette fin une autre personne, ni que cette personne, en suivant leur enseignement, comprenne complètement les formes matérielles.
(23.47) Cependant, ô moines, si des religieux ou des brahmanes comprennent objectivement de cette façon la jouissance des formes matérielles comme jouissance, les désavantages de celles-ci comme désavantages, l’évasion à leur égard comme évasion, il est alors possible qu’ils comprennent par eux-mêmes, d’une manière correcte et complète, les formes matérielles et qu’ils soient capables d’instruire à cette fin une autre personne et que cette personne en suivant leur enseignement comprenne complètement les formes matérielles.
(23.48) Alors, quelle est, ô moines, la jouissance des sensations? Supposons, ô moines, qu’un disciple, s’étant séparé des plaisirs des sens, s’étant séparé des mauvais objets de la pensée, entre dans le premier recueillement (pathamajjhana) pourvu de raisonnement et de réflexion, qui est joie et bonheur, nés de la séparation (des choses mauvaises), et y demeure.
(23.49) A ce moment, ô moines, où le disciple, s’étant séparé des plaisirs des sens, s’étant séparé des mauvais objets de la pensée, entre et demeure dans le premier recueillement qui est pourvu de raisonnement et de réflexion et, puisqu’il ne pense pas à faire du mal à lui-même, ni à faire du mal aux autres, ni à faire du mal aux deux parties, à ce moment même, il éprouve une sensation qui n’est nuisible (à personne). Moi, ô moines, je dis que cette non-nuisance est la plus haute jouissance concernant les sensations.
(23.50) Et ensuite, ô moines, ayant mis fin au raisonnement et à la réflexion, le disciple entre et demeure dans le deuxième recueillement (dutiyajjhana) qui est apaisement intérieur, unification de la pensée, qui est dépourvu de raisonnement et de réflexion, né de la concentration, et consiste en bonheur (…) Moi, ô moines, je dis que cette non-nuisance est la plus haute jouissance concernant les sensations.
(23.51) Et ensuite, ô moines, se détournant du bonheur, le disciple vit dans l’indifférence, conscient et vigilant, il ressent dans son corps le bonheur en sorte que les êtres nobles l’appellent: “Celui qui, indifférent et attentif, demeure heureux “, il entre ainsi et demeure dans le troisième recueillement (tatiyajjhana) (…) Moi, ô moines, je dis que cette non-nuisance est la plus haute jouissance concernant les sensations.
(23.52) Et ensuite, ô moines, s’étant débarrassé du bonheur et s’étant débarrassé de la peine, ayant supprimé la gaieté et la tristesse antérieures, le disciple entre et demeure dans le quatrième recueillement (catutthajjhana) où ne sont ni plaisir ni douleur, mais qui est pureté parfaite d’attention et d’indifférence.
(23.53) A ce moment, ô moines, où le disciple, s’étant débarrassé du bonheur et s’étant débarrassé de la peine, ayant supprimé la gaieté et la tristesse antérieures, le disciple entre et demeure dans le quatrième recueillement où ne sont ni plaisir ni douleur, mais qui est pureté parfaite d’attention et d’indifférence, et puisqu’il ne pense pas à faire du mal à lui-même, ni à faire du mal aux autres, ni à faire du mal aux deux parties, à ce moment même, il éprouve une sensation qui n’est nuisible (à personne). Moi, ô moines, je dis que cette non-nuisance est la plus haute jouissance concernant les sensations.
(23.54) Alors, quels sont, ô moines, les désavantages des sensations ? Les sensations, ô moines, sont impermanentes, elles sont dukkha par nature même, et elles sont sujettes aux changements. Ce sont, ô moines, les désavantages des sensations.
(23.55) Quelle est alors, ô moines, l’évasion hors des sensations? L’évasion hors des sensations, c’est la maîtrise du désir et de l’attachement, et la possibilité de se débarrasser des désirs et de l’attachement à l’égard des sensations.
(23.56) O moines, si des religieux ou des brahmanes ne comprennent pas objectivement, de cette façon, la jouissance des sensations comme jouissance, les désavantages des sensations comme désavantages, l’évasion à leur égard comme évasion, il n’est alors pas possible qu’ils comprennent par eux-mêmes, d’une manière correcte et complète, les sensations, ni qu’ils soient capables d’instruire à cette fin une autre personne, ni que cette personne, en suivant leur enseignement, comprenne complètement les sensations.
(23.57) Cependant, ô moines, si des religieux ou des brahmanes comprennent objectivement, de cette façon, la jouissance des sensations comme jouissance, les désavantages de celles-ci comme désavantages, l’évasion à leur égard comme évasion, il est alors possible qu’ils comprennent par eux-mêmes, d’une manière correcte et complète, les sensations et qu’ils soient capables d’instruire à cette fin une autre personne et que cette personne, en suivant leur enseignement, comprenne complètement les sensations.
(23.58) Ainsi parla le Bienheureux. Les moines, heureux, se réjouirent des paroles du Bienheureux.
4- Cette précieuse vie humaine
Cette vie, selon les enseignements du Bouddha, est la plus noble car elle conditionne nos futures renaissances, peut créer des renaissances encore meilleures et encore plus nobles et peut également nous permettre d’atteindre Nibbana, la cessation des renaissances et de la souffrance. De plus, elle peut nous éviter de renaître dans les apayas : les plans inférieurs. C’est pour cette raison que cette vie est la plus noble.
Nous sommes pris dans la ronde des renaissances depuis un très grand nombre d’existences et avons déjà expérimenté des renaissances dans les apayas, les plans de souffrance :
– l’enfer où l’on expérimente toutes sortes de souffrances
– le plan animal où l’on a peu de chances de renaître dans les plans plus élevés puisque les animaux sont incapables de faire de bonnes actions
– le monde des pétas où l’on expérimente plusieurs sortes de souffrances, comme être affamé
– le monde des asuras où ces êtres ont des corps disgracieux : un corps énorme et une minuscule bouche aussi petite qu’une tête d’épingle, et les yeux au-dessus de la tête.
Nous avons déjà expérimenté tous ces plans d’existences de grande souffrance. Notre vie présente peut nous permettre de nous libérer à tout jamais des apayas, les mondes inférieurs de souffrance afin de ne plus y renaître. C’est pourquoi cette vie est une noble existence.
Être humain fait partie des renaissances heureuses, bien qu’il y ait plus de souffrance et moins de bonheur que dans les royaumes des dévas et des brahmas, et que la vie y soit plus courte, mais nous pouvons acquérir le noble Dhamma ; pratiquer Sila : la moralité, Dana : la générosité et Vipassana : la méditation, et nous libérer complètement de la souffrance tout comme le Bouddha.
Il est très rare d’avoir une renaissance dans le plan humain. Il est très rare et difficile d’être en bonne santé, d’avoir accès à l’enseignement du Bouddha et de pouvoir le pratiquer. Lorsque toutes ces conditions sont réunies, que l’on respecte les préceptes, que l’on pratique la générosité et la méditation, cette vie est alors tout particulièrement noble car nous fermons la porte aux mondes inférieurs et nous pouvons atteindre Nibbana.
Si nous vivons dans le plan humain et que nous ne mettons pas en pratique les enseignements du Bouddha, nous ne pouvons pas dire que cette existence soit noble.
Un jour, après avoir mis un peu de poussière sur son ongle, le Bouddha demanda à l’assemblée des moines : « que pouvez-vous dire si vous comparez la poussière sur mon ongle par rapport à celle de la terre ? »
Un moine répondit « cher vénérable, la poussière sur votre ongle est minime et négligeable comparée à la poussière de la terre qui est très grande et abondante »
Le Bouddha dit alors « de la même façon le nombre de personnes qui auront une renaissance humaine après leur mort est aussi minime que la poussière sur mon ongle. Le nombre de personnes qui reprendront naissance après leur mort dans les apayas, les royaumes inférieurs de l’enfer, du monde animal, des asuras, des pétas, est aussi grand que toute la poussière de la terre. C’est pourquoi vous ne devriez pas oublier de mettre en pratique mon enseignement ».
Notre vie humaine est très rare et très précieuse car nous avons l’opportunité de prendre connaissance du noble Dhamma, ce qui est également très rare. Cela nous permet de nous abstenir de commettre des actes nuisibles dont nous aurions à assumer les conséquences plus tard.
Ceux qui tuent, volent, se méconduisent sur le plan sexuel, mentent, prennent des intoxicants souffriront des effets de leurs méfaits.
Ceux qui tuent seront très laids, auront une vie courte et seront torturés et tués.
Ceux qui volent rechercheront la richesse mais leurs biens seront souvent détruits.
Ceux qui se méconduisent sexuellement subiront la haine et la jalousie, auront beaucoup d’ennemis, vivront dans la pauvreté, seront malheureux, vivront dans des familles très modestes, remplis de honte et séparés des êtres qui leurs sont chers.
Ceux qui mentent auront mauvaise haleine, zozoteront et leurs paroles seront ignorées.
Ceux qui prennent des intoxicants auront des pertes de mémoire, un esprit grossier et seront mentalement perturbés.
Dans tous les cas, ceux qui commettent de mauvaises actions rencontreront des difficultés dans leur vie, seront en danger, souffriront de douleurs, de blessures, de problèmes dans leur travail et n’obtiendront pas facilement ce qu’ils désirent.
Les personnes qui font sérieusement du mal aux autres souffriront d’importants maux de tête, perdront leurs biens ou une partie de leur corps, ils seront amputés d’une main ou d’une jambe, dérangés mentalement, fous, rétrogradés, accusés, ils n’auront pas assez d’argent pour subvenir aux besoins de leur famille.
Nous avons en général peur des autres, mais c’est de nous-mêmes que nous devrions avoir peur car nous nous faisons nous-mêmes du mal en ne nous comportant pas correctement. Nous devrions faire très attention à nos pensées, à nos paroles et à nos actions car elles germeront et si elles sont mauvaises, elle donneront de mauvais fruits.
Cette vie est la plus noble et la plus précieuse si vous avez la croyance et la sagesse de savoir que l’on est puni quand on offense autrui et de pouvoir profiter de votre renaissance humaine pour mettre en pratique les enseignements du Bouddha, ce qui est très rare voire exceptionnel.
5- Les quatre nobles vérités, Par Michel Henri Dufour
Ce fut le premier sermon du Bouddha après son Éveil
Directement liées à l’Éveil du Bouddha (en fait de tous les bouddhas !) et constituant la base immuable de tous ses Enseignements, elles sont exposées dans le Dhammacakkappavattana Sutta (le Sermon sur la mise en route de la Roue de la Loi) que l’école theravāda considère comme la quintessence de l’Enseignement du Bouddha. Ce fut le premier sermon du Bouddha après son Éveil, mais assez curieusement il ne figure pas en premier dans le Canon Pāli. On peut considérer que tous les autres points de la doctrine bouddhique ne sont que de corollaires de ces quatre Vérités (ou quatre Faits). Elles constituent un champ infini de pratique pour tout bouddhiste.
Fondement de toutes les écoles bouddhiques authentiques, référence constante des pratiquants, réflexion et contemplation riche d’implications, elles ne doivent pas être considérées comme des vérités dogmatiques à s’approprier sans examen mais comme des outils d’analyse et d’observation approfondie de la réalité.
L’édifice entier de l’Enseignement du Bouddha repose sur une constatation très simple : l’inadéquation entre la réalité du monde et notre volonté de le modeler selon nos impulsions égocentriques, le conflit quasi permanent entre les événements et notre désir illusoire que le monde s’ordonne autour de nous.
En résumé, et de façon purement didactique, on peut les présenter ainsi :
1. le déséquilibre (dukkha) générateur d’insatisfaction ou de souffrance, est omniprésent, l’harmonie est perpétuellement remise en question,
2. l’origine (samudaya) de l’insatisfaction est l’attachement au désir égocentrique, l’esclavage
des désirs, la “soif” insatiable d’être et de posséder (tanha),
3. la cessation (nirodha) de l’esclavage du désir est possible, elle conduit au nibbana,
4. le chemin (magga) menant à cette cessation est le “noble Sentier aux huit Branches” reposant sur les trois fondations : Connaissance transcendante, Conduite éthique, Culture mentale.
Extrait du Dhammacakkappavattana Sutta (Samyutta Nikāya):
« (…) (Voici, ô moines) la Vérité noble dite dukkha : la naissance est dukkha, le vieillissement est aussi dukkha, la maladie est aussi dukkha, la mort est aussi dukkha, être uni à ce que l’on n’aime pas est dukkha, être séparé de ce que l’on aime est dukkha, ne pas obtenir ce que l’on désire est aussi dukkha. En résumé, les cinq agrégats d’attachement sont dukkha.
(Voici, ô moines) la Vérité noble dite la cause de dukkha : c’est cette “soif” qui produit la ré-existence et le re-devenir, qui est liée à une avidité passionnée et qui trouve une nouvelle jouissance tantôt ici, tantôt là, c’est-à-dire la soif des plaisirs des sens, la soif de l’existence et du devenir et la soif de la non-existence.
(Voici, ô moines) la Vérité noble dite la cessation de dukkha : c’est la cessation complète de cette “soif”, la délaisser, y renoncer, s’en libérer, s’en débarrasser. (…)
(Voici, ô moines) la Vérité noble du sentier conduisant à la cessation de dukkha : c’est simplement le noble Sentier aux huit Branches, à savoir : la compréhension correcte, la pensée correcte, la parole correcte, l’action correcte, les moyens d’existence corrects, l’effort correct, l’attention correcte, l’unification mentale correcte. »
Le problème existentiel : la propension à s’approprier est source de souffrance
Dukkha, littéralement “difficile à supporter ”, fait référence à l’insatisfaction, l’incomplétude, l’imperfection, l’insécurité implicites dans tous les phénomènes qui, en raison de leur changement perpétuel, sont toujours potentiellement sujets à provoquer la souffrance.
Ce concept inclut tout ce qui est désagréable, depuis les souffrances corporelles grossières et la souffrance implicite dans le vieillissement, la maladie et la mort, jusqu’aux sentiments subtils tels qu’être séparé de ce que nous aimons ou associé à ce qui nous déplaît et aux états mentaux plus fins tels que la torpeur, l’ennui, l’agitation, etc. Bien qu’il soit souvent traduit, d’une façon réductrice, par “douleur” ou “souffrance ”, il recouvre en fait un domaine beaucoup plus large. C’est bien sûr tout ce qui est insatisfaction, douleur physique ou morale, mais c’est surtout ce sentiment de “mal-être ”, sentiment de “ce n’est pas vraiment ça” que la plupart des gens éprouvent sans vraiment pouvoir le définir ou en cerner la cause.
Dukkha est en fait le déséquilibre, le malaise éprouvé devant la nature oppressive de tous les facteurs d’existence par suite de leurs continuelles apparitions et disparitions. Il possède de nombreuses connotations selon la base ou selon la source, ainsi que de multiples formes.
Les réactions à dukkha ont pour origine l’incapacité à comprendre et admettre la non-permanence et le caractère impersonnel et non substantiel de tous les phénomènes.
À l’instar de tous les principes de base de l’Enseignement bouddhique, l’appréhension intellectuelle pure ne peut l’épuiser, et il se situe toujours au-delà, dans une expérimentation de tous les instants.
La cause : l’attirance irrésistible vers la flamme qui consume
Ce désir ardent, cette “soif ” (tanha), cette attirance irrésistible, conduit à l’esclavage, à l’emprise totale du monde des sens sur l’esprit.
Tanha est subdivisé traditionnellement en six catégories :
1. désir ardent pour les formes matérielles ( rupa tanha)
2. désir ardent pour les sons (saddha tanha)
3. désir ardent pour les odeurs (gandha tanha)
4. désir ardent pour les saveurs (rasa tanha)
5. désir ardent pour les choses tangibles (photthabba tanha)
6. désir ardent pour les idées (dhamma tanha).
D’autres classifications se trouvent dans les textes traditionnels, ce qui montre sa complexité et son vaste champ d’application :
1. désir ardent pour les expériences sensuelles agréables (kamma tanha)
2. désir ardent pour l’existence (bhava tanha)
3. désir ardent pour la non-existence (vibhava tanha).
Ou encore :
1. désir ardent pour les expériences sensuelles agréables (kamma tanha)
2. désir ardent pour les formes matérielles (rupa tanha)
3. désir ardent pour les choses abstraites ou l’existence sans forme (arupa tanha).
La cessation : desserrer la ceinture qui étouffe
Lorsque la cause du trouble est perçue il existe une possibilité de guérison. De la même manière, au-delà du chaos des désirs incontrôlés suscités par tanha, réside un havre de repos. Cet arrêt des proliférations anarchiques du corps, de la parole et du mental est ce qu’on nomme le nibbana.
Désigné de nombreuses façons dans les Écritures traditionnelles, ce but ultime de la pratique bouddhique est principalement décrit négativement afin d’éviter tout attachement intellectuel (voire mystique) à un concept confortable.
Le nibbana est la cessation de ce que l’on nomme les trois Poisons : ignorance, avidité et haine. Lorsque l’énergie ayant suscité ces trois pulsions fondamentales et naturelles – c’est-à-dire les actions malsaines, volontaires et consciemment acceptées – sera épuisée, la véritable nature de la délivrance sera perceptible. Même si ce but paraît lointain, voire irréalisable, il est néanmoins possible d’en goûter la saveur en expérimentant les résultats bénéfiques des différentes voies ou pratiques décrites dans la noble Vérité suivante.
Le fait que le Bouddha soit parvenu à la délivrance ultime de tous les liens et qu’il a existé, et qu’il existe encore peut-être, des arahants (êtres réalisés), doit constituer une incitation à ne pas se perdre dans les actions négatives et le doute sceptique perpétuel.
Le chemin : le choix de la Voie royale
L’Enseignement du Bouddha étant avant tout une pratique de vie, une science de l’esprit et non un système philosophique dénué de toute application existentielle, il existe un moyen de réaliser les trois nobles Vérités précédentes.
Le Sutta pitaka (l’ensemble des Sermons) nous offre non seulement les divers aspects du Dhamma mais également des guides pragmatiques nous permettant de réaliser personnellement ce Dhamma. Toutes les observances et les pratiques formant les étapes du Chemin conduisent à la purification mentale à trois niveaux : purification par la conduite correcte, purification par l’harmonie de l’esprit, purification par la connaissance transcendante.
Après avoir exposé le problème existentiel et les causes de ce problème, le Bouddha, dans la quatrième des “Vérités nobles”, nous propose la voie de pratique, Voie royale du juste milieu entre les extrêmes, permettant de se libérer de l’insatisfaction et de la souffrance.
On classe généralement les huit éléments constituant cette Voie en trois chapitres : Sagesse, Éthique et Unification mentale. Bien que cette exposition, purement didactique, puisse sembler impliquer un ordre ou une progression, il n’en est rien. À l’image de chaque brin contribuant à la solidité d’une corde, les différentes parties de la Voie s’interpénètrent à tous les niveaux et chacune contient toutes les autres et à la fois les génère et s’en nourrit.
Néanmoins, au départ, une certaine dose de sagesse (encore mondaine à ce niveau) est nécessaire, sagesse consistant à savoir qu’il existe un chemin et des moyens pour accomplir ce chemin. La “perfection” ou “rectitude” de ces moyens réside dans le fait qu’ils impliquent de vivre en accord avec la vertu, la méditation et la sagesse plutôt qu’en se fondant sur une position orientée sur soi, égocentrique.
Dans les Textes classiques la Voie est ainsi présentée :
I. Sagesse (pañña)
1. conception parfaite (sammādiṭṭhi)
La vue, la compréhension correcte : implique une première appréhension des quatre Vérités nobles. Elle consiste en un premier temps à saisir l’insatisfaction, sa cause, son extinction et le chemin y conduisant, c’est-à-dire, en un mot, comprendre la nécessité de la pratique et sa nature.
2. pensée, résolution, intention parfaite (sammāsaṅkappa)
L’intention correcte, les aspirations correctes, impliquent l’intention ou la résolution d’élever l’esprit, de le libérer de l’attachement à la sensualité, de la malveillance envers autrui, de la violence envers autrui et soi-même. Elle se nourrit d’une pensée libre de convoitise, de mauvais vouloir et de cruauté.
II. Éthique (sila)
3. parole parfaite (sammāvācā)
Elle concerne le contrôle de la parole sous tous ses aspects, en particulier s’abstenir de mensonges, de racontars, de paroles dures et de paroles vaines. Elle incite à constamment observer l’intention avant de parler, à juger de la nécessité de parler et du moment opportun pour le faire, et à poser des paroles de concorde plutôt que de discorde
4. action parfaite (sammākammanta).
La conduite correcte implique, pour tout bouddhiste laïc, l’observance des Préceptes de base (sila) : d’une façon globale s’abstenir de conduite susceptible de générer la souffrance en soi et autrui et d’excès en toutes choses.
5. moyen d’existence parfait (sammāājīva).
Le mode de vie correct implique l’abstention de moyens néfastes, non éthiques, de gagner sa vie et la mise en œuvre de moyens justes et honorables, ne lésant aucun être vivant. Les bouddhistes prenant à cœur leur pratique sont invités à ne pas exercer les activités suivantes : vendre des êtres vivants, des poisons, de la drogue, de l’alcool ou des armes.
6. effort parfait (sammāvāyāma).
Cette pratique implique : l’effort d’éviter (saṃvara) et l’effort de surmonter (pahāna) les états néfastes et malsains, l’effort de développer (bhavana) et l’effort de maintenir (anurakkhana ) les états bénéfiques et sains (les brahma vihara et les paramita par exemple).
III. Unification mentale (samadhi)
7. vigilance parfaite (sammāsati)
Elle recouvre l’attention correcte, la présence parfaite. Sati implique une vigilance de tous les instants en ce qui concerne les phénomènes intérieurs et extérieurs, physiques et mentaux et leur analyse. Elle inclut les quatre attentions fondamentales (satipaṭṭhāna), l’un des fondements de la pratique méditative dans la Voie bouddhique : attention au corps, aux sensations, à l’esprit, aux phénomènes .
8. harmonie mentale parfaite (sammāsamādhi).
Elle est unification de l’esprit correcte, équilibre mental correct. Elle constitue la manière correcte d’utiliser la méditation et ses résultats, uniquement pour le développement et la libération personnelle et éventuellement comme base des quatre absorptions (jhana).
« (…) Le premier des huit facteurs du chemin est la Vue correcte (sammādiṭṭhi), qui naît de la vision et de l’expérimentation de la cessation. Posséder la Vue correcte nécessite d’être très vigilant en permanence. Nous devons connaître que tout surgit et disparaît et est non-soi — et ceci doit être une expérience directe, une vision intérieure. La Vue correcte est fondée sur la connaissance intérieure directe, et non simplement sur une réflexion et une croyance dans le concept. Aussi longtemps que nous ne connaissons pas réellement mais simplement pensons connaître, nous demeurons dans un état d’incertitude et de confusion. C’est parce que la connaissance intellectuelle se fonde seulement sur des symboles et non sur une expérience directe de la vérité.
Le second facteur du chemin est l’Attitude correcte ou Intention correcte (sammāsaṅkappa). Une fois la Vue correcte établie notre intention à partir de ce moment est dirigée vers le nibbana ou le non créé — vers la libération. Nous ressentons encore des impulsions et des tendances telles que le doute, l’inquiétude ou la peur, nous tirant en arrière vers le monde des sens, mais maintenant nous reconnaissons ces impulsions. Nous les connaissons telles qu’elles sont, et nous ne pouvons être abusé très longtemps par ces conditions. Auparavant, nous pouvions nous enfoncer pendant des semaines dans le découragement, le doute, la peur ou l’avidité sous diverses formes. Une fois que cette expérience de vision intérieure a eu lieu et que la Vue correcte est installée, alors il y a Attitude correcte. Parce qu’il existe encore une résistance à mettre en œuvre l’effort d’être éveillé, il se peut que nous essayions de nous abuser, mais ce n’est possible que pour peu de temps.
La Vue correcte et l’Attitude correcte constituent ensemble la sagesse (pañña) et elles nous conduisent aux troisième, quatrième et cinquième aspects du chemin : Parole correcte, Action correcte et Mode de Vie correct (sammāvācā, sammākammanta, sammāājīva). En langue Pāḷi nous appelons ces trois éléments du chemin, sila — l’aspect éthique du Sentier Octuple. Sila signifie accomplir ce qui est bénéfique et s’abstenir de ce qui est négatif en action corporelle et en parole. La Vue correcte et l’Attitude correcte encouragent sila car une fois la vérité vue nous ne sommes plus enclin à utiliser notre corps ou notre parole pour léser nous-mêmes ou les autres êtres. Nous nous sentons responsable ; nous n’allons pas faire mauvais usage de notre propre corps ou de celui de quelqu’un d’autre, ou léser les autres êtres intentionnellement. Il se peut que nous le fassions sans le vouloir, mais nous n’avons pas l’intention de léser. C’est la différence.
Lorsque sila est présent nous sommes équilibré émotionnellement et nous nous sentons en paix. Parce que ni nous ne blessons, ni ne volons, ni ne mentons, il n’y a pas de regrets, nous n’avons pas de sentiment de culpabilité et un sentiment de calme, d’équanimité et d’humilité s’installe. De cette sensation de paix viennent les sixième, septième et huitième aspects du chemin : Effort correct, Attention correcte et Unification de l’Esprit correcte (sammāvāyāma, sammāsati,sammāsamādhi). Avec l’effort, l’attention et l’unification de l’esprit, le passif et l’actif sont équilibrés. C’est comme dans l’apprentissage de la marche : nous sommes constamment en train de perdre l’équilibre et de tomber, mais dans ce processus même nous développons de la force, tout comme le bébé. Un bébé apprenant à marcher développe de la force en dépendant de ses parents, en dépendant des tables et des chaises, et en tombant, se faisant mal et se relevant. En définitive, il fait deux pas, puis il commence à marcher et enfin commence à courir. C’est la même chose avec l’équilibre émotionnel. Une fois que nous savons ce que signifie être en équilibre il n’y a plus de problèmes — nous pouvons marcher, courir, tourner, sauter.
Le Sentier Octuple se divise en trois sections :
sila, samādhi et pañña.
Sila est la conduite éthique, samādhi, l’unification mentale, pañña la sagesse.
Sila est la façon dont nous nous conduisons, dont nous vivons, dont nous utilisons notre corps et notre parole. Samādhi est l’équilibre des émotions. Lorsque nous possédons un excellent samādhi, l’amour est libre du désir égocentrique, libre de convoitise et d’exploitation de l’autre. Avec l’équilibre émotionnel vient une espèce de joie et d’amour. Nous ne sommes pas indifférent, mais nous possédons l’équilibre. Nous pouvons aimer car il n’y a rien d’autre à faire. C’est la relation naturelle lorsqu’il n’y a pas de soi. Mais lorsque l’égocentrisme surgit, alors l’amour devient convoitise, la compassion devient condescendance, la joie devient désir égocentrique de bonheur. Lorsqu’il n’y a pas de soi, la joie est naturelle et la compassion surgit spontanément dans l’esprit. Pañña est sagesse, la connaissance de la vérité engendrant la parfaite harmonie entre le corps, les émotions et l’intellect. Avec la sagesse, ces trois qualités fonctionnent ensemble et se soutiennent mutuellement au lieu d’être des forces en conflit. » (Ajahn Sumedho)
« Lorsque le Bouddha délivra son sermon sur les quatre Vérités nobles un seul parmi les cinq disciples présents compris réellement. Les autres apprécièrent l’exposé, pensant “C’est vraiment un bel enseignement. ”, mais seul Kondañña acquit la parfaite compréhension de ce que le Bouddha disait. (…)
Qu’avait donc compris Kondañña ? Quelle fut cette réalisation que le Bouddha loua à la fin de son sermon ? C’était : “Tout ce qui est sujet à la naissance est sujet à la disparition. ”. En fait cela ne ressemble pas à une connaissance particulièrement profonde, mais ce que cela implique est une caractéristique universelle : tout ce qui surgit cesse ; c’est non permanent et ne nous appartient pas, c’est “non-soi” … Aussi ne vous attachez pas, ne soyez pas trompé par ce qui surgit et cesse. Ne recherchez pas un refuge, quelque chose en lequel vous souhaitiez avoir confiance et où vous désiriez demeurer, dans quoi que ce soit qui surgisse, car tout ceci cessera .
Si vous voulez souffrir et gaspiller votre vie, rechercher les choses qui surgissent. Elles vous conduiront toutes vers la fin, vers la cessation, et vous n’en serez pas plus sage. Vous ne ferez que tourner en rond, répétant les mêmes anciennes et tristes habitudes et, au moment de la mort, vous n’aurez rien appris d’important de votre vie. » (Ajahn Sumedho)
Source = vivekarama
Livre conseillé : Le Premier enseignement du Bouddha par Dr Rewata Dhamma