Le don du Dhamma surpasse tous les autres dons

La renaissance selon le bouddhisme ancien

Y a-t-il une vie avant et après la mort ? Comment trouver l’harmonie intérieure et extérieure ? Quelques réponses à ces questions.

Par Michel Henri Dufour

Selon les enseignements anciens du Bouddha la renaissance est un processus de régénération, de restructuration. C’est la nouvelle manifestation d’une existence, d’une vie, en dépendance des énergies développées dans le passé par les actions volontaires et conscientes (kamma, Kamma étant l’équivalent, en Pali, du mot Sanscrit Karma), corollaire direct de la théorie de la causalité exprimée ainsi :

« Quand ceci est, cela est ; ceci apparaissant, cela apparaît. Quand ceci n’est pas, cela n’est pas ; ceci cessant, cela cesse. » (Majjhima Nikâya)

Illustration la plus immédiate de l’interdépendance, elle est inséparable du kamma et permet aux effets du kamma de se manifester dans des conditions particulières :

« Ainsi celui qui s’abstient de tuer des êtres vivants, de commettre des vols, de s’engager dans des actes sexuels illégitimes, de proférer des mensonges, des paroles calomnieuses, des paroles grossières, des propos frivoles, qui s’abstient de convoiter, possède une pensée sans aversion et se complaît dans des opinions non fausses, obtient des résultats agréables, qui se produisent tantôt dans cette vie même, tantôt dans la vie suivante, tantôt dans d’autres occasions se produisant au-delà de la vie suivante. » (Mahâkamma Vibhanga Sutta)

Le bouddhisme donne avant tout une explication psychologique de la renaissance, exemplifiée dans le premier verset du Dhammapada :

« Le mental est l’avant-coureur des conditions, le mental en est le chef, et les conditions sont façonnées par le mental. »

La renaissance se manifeste d’instant en instant ; c’est un processus impersonnel auquel les termes de “réincarnation” ou “transmigration” ne peuvent convenir :

« – Vénérable Nâgasena, la renaissance est-elle possible sans transmigration ?

– Oui, ô Roi.

– Mais comment, Vénérable, la renaissance est-elle possible sans qu’il y ait quoi que ce soit qui passe d’une vie à l’autre ? Donne-moi une comparaison.

– Si on allume un flambeau à un autre flambeau, peut-on dire que le premier a transmigré dans le second ?

– Non Vénérable !

– De même la renaissance peut s’effectuer sans transmigration . » (Milinda Pañha)

En fait, au sens ultime :

« Il n’y a pas d’auteur pour les actes commis ni quelqu’un qui reçoit les sensations venant des résultats. Seuls s’écoulent les facteurs constituants. Sur ce sujet, cela est la vue correcte. » (Visuddhimagga)

« – Vénérable, qu’est-ce qui doit renaître ?

– Seule une combinaison psychophysique renaît, ô Roi.

– Mais de quelle façon, Vénérable ? Est-ce la même combinaison que celle qui existe actuellement ?

– Non, ô Roi. Mais la combinaison psychophysique présente produit des activités volitionnelles fastes et néfastes, et c’est par l’intermédiaire de ce kamma qu’une nouvelle combinaison psychophysique sera suscitée. » (Milinda Pañha)

Toutes questions sur la renaissance et ses modalités sont fortement découragées dans le bouddhisme originel. Les réponses que l’on peut construire, à défaut d’être issues de la vision profonde engendrée par l’Éveil, constituent des obstacles sur la voie de la libération de l’insatisfaction et de la souffrance :

« L’être non éveillé, non instruit, s’interroge ainsi d’une façon impropre : Ai-je existé dans le passé ?, N’ai-je pas existé dans le passé ? Qu’ai-je été dans le passé ? Serai-je dans le futur ? Ne serai-je pas dans le futur ? Que serai-je dans le futur ? Comment serai-je dans le futur ? » (Sabbâsava Sutta)

Plutôt que de spéculer sur les modalités de la renaissance, le bouddhisme invite avant tout à comprendre les causes de cette renaissance :

« C’est cette soif qui produit la re-existence et le redevenir, qui est liée à une avidité passionnée et qui trouve une nouvelle jouissance tantôt ici tantôt là, c’est-à-dire la soif des plaisirs des sens, la soir de l’existence et du devenir et la soif de non-existence. » (Samyutta Nikâya)

Un pratiquant bouddhiste sincère ne cherche pas vraiment à savoir ce qui se passe après la mort et ne spécule pas sur les différentes hypothèses fournies par les traditions religieuses ou matérialistes en termes d’éternalisme ou d’annihilationisme ; il est plutôt inviter à examiner la question « Y-a-t-il une vie avant la mort ? » et à vivre dans la culture de la vigilance et des actions conduisant à l’harmonie intérieure et extérieur.

« Pour l’individu libéré, ce qui est ancien est achevé. Il n’y a plus de production à nouveau. Sa pensée est détachée vis-à-vis des existences nouvelles. De tels sages qui ont ainsi détruit les germes de l’existence future, dépourvus de désirs de redevenir, s’éteignent comme une lampe s’éteint. » (Sutta Nipâta)

Buddhaline